La recherche au Lacito

Aires linguistiques de spécialité

Études océaniennes

Langues austronésiennes

Environ 2000 langues, souvent en danger, et dont beaucoup restent à décrire.

I. Les langues formosanes

Les langues formosanes constituent le “berceau” de la famille austronésienne. Elles forment plusieurs branches primaires et montrent une grande diversification interne. Leur sous-groupement interne fait toujours l’objet de débats.
Elles ont aussi un intérêt typologique et syntaxique : ce sont des langues à morphologie complexe, connues en particulier pour leur système de voix multiples (système de voix « symétriques »).

En 2009, I. Bril a commencé des enquêtes sur la langue amis, l’une des 14 langues austronésiennes encore parlées à Taiwan. Ces langues austronésiennes sont appelées langues ‘formosanes’ pour les distinguer des langues sinitiques de l’île.

Ce sont aussi des langues en danger. Le projet vise à documenter un dialecte du nord (amis-natauran) qui présente des différences phonologiques, lexicales et grammaticales importantes, et qui est en contact avec le sakizaya. Le projet porte sur une grammaire et un dictionnaire qui sont un souhait fort des locuteurs.

II. Description des langues océaniennes

 

Les langues océaniennes, sous-groupe de la famille austronésienne, forment un ensemble cohérent aussi bien du point de vue géographique que génétique. En effet, ce groupe océanien constitue la branche orientale de cette grande famille austronésienne.

Les descriptions de ces langues prennent la forme de monographies, qu’il s’agisse de grammaires, de dictionnaires, d’atlas linguistiques ou encore de recueils de littérature orale.

  Nous travaillons en particulier sur trois grands ensembles linguistiques au sein de la famille austronésienne, les langues formosanes de Taiwan et deux aires océaniennes, la Mélanésie et la Polynésie.

Austronésie

Une des régions de Mélanésie qui constitue depuis longtemps la spécialité du Lacito est le pays d’outremer français de la Nouvelle-Calédonie, où sont parlées pas moins de 28 langues (dites langues kanak), ainsi qu’un créole.

Nouvelle-Calédonie

 Quatre décennies de recherches dans cette région ont permis au Lacito de couvrir la majeure partie de ce territoire.

 Aujourd’hui, l’équipe continue son travail de description sur des langues de cette région, qui n’ont encore jamais été décrites.

Ceci prend notamment la forme de “Dictionnaires comparatifs et thématiques des langues du nord de la Grande Terre”, un programme mis en œuvre conjointement par le Lacito et la Province Nord de la Nouvelle-Calédonie, pour six années (2005-2012) :

  • yuanga ou zuanga (I. Bril)
  • hamea (C. Moyse-Faurie)
  • hmwaeke-hmwaveke (J.-C. Rivierre)

Si l’on remonte un peu plus au nord, on trouve l’archipel du Vanuatu, anciennes Nouvelles-Hébrides, qui possède la plus haute densité linguistique au monde, avec un total de 110 langues.

Vanuatu

Les travaux d’A. François portent en particulier sur la région du nord de l’archipel, où sont parlées 17 langues différentes.
Là aussi, nous nous efforçons de toujours décrire ces langues dans une perspective typologique, de manière à s’assurer que ces précieuses données puissent servir à la réflexion de nos collègues linguistes.

Encore un peu plus haut vers le nord, se trouve l’archipel des îles Salomon, qui soulève actuellement des débats particulièrement intéressants du côté des archéologues et des historiens.

Archipel des îles Salomon

Le groupe des îles Santa Cruz possède une douzaine de langues particulièrement diverses, et mal connues.

Dans le cadre de recherches internationales en cours, A. François s’est intéressé en particulier aux trois langues qui sont encore parlées dans l’île de Vanikoro (teanu, lovono, tanema).

L’autre grand ensemble linguistique au sein de la famille océanienne constitue les langues polynésiennes.

Langues polynésiennes

A. Djoupa, doctorant à l’Inalco, prépare une thèse sur le fagauvea, une langue polynésienne parlée dans l’aire mélanésienne, à Ouvéa (îles Loyauté) ; C. Moyse-Faurie étudie actuellement le wallisien, langue parlée dans le territoire de Wallis et Futuna.

Un vaste projet d’Atlas linguistique permet de présenter un panorama dialectologique de la Polynésie française, dont la diversité linguistique est encore méconnue (J.-M. Charpentier et A. François ; Lacito-Université de Polynésie française ; 20 dialectes ; 2200 entrées).

III. Linguistique comparée et reconstruction historique

Historiquement parlant, les langues d’Océanie possèdent un ancêtre commun, le proto-océanien.
Les archéologues et les linguistes s’accordent à considérer que le proto-océanien était la langue parlée par la fameuse civilisation Lapita, dont l’expansion dans l’océan Pacifique a commencé il y a environ 3500 ans.

Les travaux de comparatisme historique peuvent contribuer à une meilleure compréhension du peuplement du Pacifique, dont l’histoire est encore mal connue. À ce titre, nos recherches de linguistes intéressent les archéologues, les historiens et les généticiens.

Par ailleurs, la linguistique historique présente un intérêt pour la réflexion sur le langage lui-même, dans la mesure où elle contribue à une meilleure connaissance du changement linguistique. Il s’agit de dégager les tendances universelles d’évolution des langues, dans une perspective qu’A.-G. Haudricourt appelait “panchronique”.

• Changements phonologiques (Nouvelle-Calédonie, Vanuatu)

 Évolution des constructions syntaxiques (Nouvelle-Calédonie, Vanuatu)

IV. Contribution des langues océaniennes à la linguistique typologique

Cet axe est celui de la linguistique typologique et des questions de linguistique générale auxquelles les langues océaniennes, qui sont encore relativement peu connues, peuvent apporter une contribution importante.

• Les prédicats complexes

     À l’issue d’un symposium européen, le groupe des Océanistes a publié, chez Mouton, un ouvrage collectif sur le thème des prédicats complexes et des séries verbales dans les langues d’Océanie.

Bril I. & F. Ozanne-Rivierre (eds), 2004, Complex Predicates in Oceanic Languages: Studies in the Dynamics of Binding and Boundness. Berlin: Mouton de Gruyter. 409 p.

• L’expression du réfléchi, du réciproque et du moyen

     Cinq articles ont été publiés sur ce thème :
Bril (2), Moyse-Faurie (2) et König & Moyse-Faurie (1)

• Relations spatiales et deixis

• Ergativité

• Polysémie lexicale

• Morphosyntaxe

2011, Moyse-Faurie Claire & Sabel Joachim (eds), Topics in Oceanic Morphosyntax, Mouton de Gruyter (Trends in Linguistics. Studies and Monographs 239), 344 p.

• Subordination

Bril Isabelle (ed.), 2010, Clause Linking and Clause Hierarchy: Syntax and pragmatics, Amsterdam/ Philadelphia, Benjamins (Studies in Language Companion Series 121), VIII-632 p.

V. Contacts de langues

 Les emprunts lexicaux dans le Pacifique ancien et contemporain

Moyse-Faurie, Claire, 2008, Borrowings from Romance languages in Oceanic Languages, in Thomas Stolz, Dik Bakker and Rosa Palomo (eds), Aspects of language contact. New theoretical, methodological and empirical findings with special focus on Romanisation processes, Berlin and New York: Mouton de Gruyter, p. 325-348.

 Histoire du bislama et des langues de contact (pidgins/créoles) en Océanie

     C’est la naissance, au XIXe siècle, de plusieurs langues de contacts qui sont aujourd’hui parlées en Océanie, langues nées de la rencontre des langues océaniennes, avec les langues européennes de la colonisation – en particulier le bislama.

     Un ouvrage est consacré à la genèse historique de ces pidgins et créoles du Pacifique.

Tryon, D. & J.-M. Charpentier (2004). Pacific Pidgins and Creoles: Origins, Growth and Development. Mouton de Gruyter. 578 pp.

• Les langues polynésiennes parlées dans l’aire mélanésienne (“outliers”) : phénomènes aréaux et contacts de langues

     Les phénomènes de contacts linguistiques ne datent pas de l’ère coloniale, et peuvent également résulter de la rencontre de langues océaniennes entre elles.
C’est ainsi que les langues polynésiennes dites “outliers”, situées géographiquement dans les aires mélanésiennes et micronésiennes, présentent des traces linguistiques de leur cohabitation avec des langues non polynésiennes.
(participation au programme norvégien “The Oceania Project” (université d’Oslo) portant sur les «outliers» polynésiens et au programme “Contacts de langues” de la Fédération Typologie et Universaux Linguistiques)

• Phénomènes de diffusion aréale au nord Vanuatu : dialectique entre la diffusion aréale et l’héritage génétique

     Parfois les phénomènes de contact méritent d’être observés entre des langues étroitement apparentées, comme cela peut être observé au nord Vanuatu. De telles situations soulèvent d’ailleurs la problématique de la distinction entre, d’une part, les faits de diffusion aréale et, d’autre part, les traits hérités d’un ancêtre commun.

VI. Anthropologie (I. Leblic)

 Filiation et adoption
Des études comparatives de parenté kanak sur plusieurs aires linguistiques.
Des études thématiques :
a. Captation d’enfants et enfance en danger ;
b. Nomination, dénomination et terminologie de parenté.

 Parenté, organisation sociale et systèmes politiques (Nouvelle-Calédonie)

– Parenté, adoption et structure sociale à Ponérihouen (aire paicî), Nouvelle-Calédonie

Bensa A. & Isabelle Leblic (eds), 2000, En pays kanak. Ethnologie, linguistique, histoire, archéologie en Nouvelle-Calédonie, Paris, Mission du Patrimoine ethnologique/Éd. de la Maison des sciences de l’homme (Ethnologie de la France), 368 p.
(présenté ici)

Leblic Isabelle (ed.), 2004, De l’adoption : des pratiques de filiation différentes, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal (Anthropologie), 336 p.

(présenté ici)

– Le thème “Nomination, dénommination et terminologies de parenté” est l’objet de recherches personnelles pour les années à venir et fait l’objet de diverses missions en Nouvelle-Calédonie depuis décembre 2004.

 Anthropologie historique : la construction des identités et du passé
Depuis vingt ans passés qu’I. Leblic poursuit ses recherches sur les sociétés kanak de Nouvelle-Calédonie (île des Pins, Goro et Ponérihouen), elle mène aujourd’hui une réflexion sur la construction de(s) l’identité(s) kanak dans le nouveau cadre notamment que constituent les accords de Matignon et de Nouméa et la construction en cours d’une citoyenneté calédonienne.

     Plusieurs thèmes ont été ainsi abordés :

 Identité culturelle et transformation sociale en Nouvelle-Calédonie
Leblic Isabelle, 1993. Les Kanak face au développement. La voie étroite, Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 420 p.
(présenté ici)

Elle a en outre coordonné en 2003 le JSO 117 : Nouvelle-Calédonie, 150 ans après la prise de possession.

Leblic I. (éd.), 2003. “Nouvelle-Calédonie : 150 ans après la prise de possession”, JSO 117/ 2, 213 p.
(présenté ici)

     Ce qui a initié une série sur les territoires français du Pacifique.

Leblic I. et H. Guiot (eds), 2006, “Spécial Wallis-et-Futuna’, JSO 122-123, 224 p.
(présenté ici)

– Appropriation et utilisation de l’environnement par les clans pêcheurs, savoirs, techniques et représentations liés à l’exploitaiton du milieu maritime

Leblic Isabelle, 2008. Vivre de la mer, vivre avec la terre… en pays kanak. Savoirs et techniques des pêcheurs kanak du sud de la Nouvelle-Calédonie, Paris, Société des Océanistes (Travaux et documents océanistes 1), 288 p., bibliographie, glossaires, index, 600 ill. en n. & bl. et en coul.
(présenté ici)

– Représentations de l’environnement

Trichet Jean et Isabelle Leblic (eds), 2008. “Spécial Environnement dans le Pacifique Sud”, JSO 126-127, 381 p.
(présenté ici)

– Micro-histoire, autochtonie, identité kanak et citoyenneté : des études d’anthropologie politique calédonienne

VII. Littérature orale et arts de la parole

 La littérature orale narrative
C’est une tradition, pour les linguistes du Lacito, de constituer un corpus linguistique de référence pour chaque langue. Ce corpus est le plus souvent constitué de récits de littérature orale, qui possèdent une valeur non seulement linguistique, mais aussi littéraire et culturelle.
Au total, pour la zone austronésienne, plus d’une centaine d’enregistrements a été recueillie, dans une quarantaine de langues différentes.

 Archivage et diffusion
Ces textes sont destinés à être archivés et diffusés, en profitant du développement récent des technologies numériques. En amont, c’est un long travail de transcription, de traduction, de numérisation et d’archivage, qui précède la diffusion sous forme imprimée ou électronique.
A été ainsi intégrée au programme “Pangloss” du Lacito plus d’une centaine de textes océaniens (présentés ici). Et grâce à un financement de l’ADCK (Agence de développement de la culture kanak), une collection de cédéroms de littérature orale a pu être réalisée dans 15 langues de Nouvelle-Calédonie.
Voir également ce qui est présenté sur le site “Corpus de la parole“, issu de la collaboration de la TUL (Fédération Typlogoie et Universaux linguistiques) et de la DGLF (Délégation à la Langue Française et aux langues de France).

 La poésie chantée
De 2004 à 2007, un projet ACI “Jeunes chercheurs” de nature pluridisciplinaire a été mis en place, dont l’objectif était la documentation et la description du chant et de la poésie orale traditionnelle au Vanuatu.

A. François, linguiste (LACITO)
M. Stern, ethnomusicologue (postdoc)
É. Wittersheim, anthropologue & réalisateur (postdoc)

« Rythmes à danser, poèmes à chanter en Mélanésie ». Esthétique, transmission et impact social des arts musicaux au Vanuatu
50 h d’archives audio
40 h d’archives vidéo
un film documentaire (ici ou ici)
un livre-cédérom (en préparation)

VIII. Diffusion des connaissances (organisation de colloques, enseignement et direction de thèses)

Pour faire connaître toutes ces recherches et les diffuser, cela peut se faire sous forme de publications comme on l’a déjà vu, mais aussi par le biais de colloques internationaux :
 7ème colloque international de linguistique océanienne (COOL7) Nouméa, 2-6 juillet 2007 coorganisé par J. Vernaudon (U. Nelle-Calédonie) et C. Moyse-Faurie (ici)
 11ème colloque international de linguistique austronésienne (11-ICAL), Aussois, 22-26 juin 2009. coorganisé par L. Sagart (EHESS), I. Bril et A. François (ici)

     La diffusion des connaissances s’effectue également grâce à l’enseignement, que ce soit dans les universités parisiennes ou celles du Pacifique.
– Paris 3-ILPGA  : Syntaxe et diachronie
– Paris 4-Sorbonne : Typologie et syntaxe des langues océaniennes
– INALCO : Le comparatisme austronésien – Initiation aux méthodes de terrain en linguistique – Linguistique océanienne
– Université de la Nouvelle-Calédonie : Langues et cultures océaniennes – Comparatisme austronésien et typologie syntaxique – Linguistique océanienne – Méthodes d’enquêtes linguistiques
– IUFM de Wallis et Futuna : Linguistique océanienne – Syntaxe et phonologie du wallisien et du futunien
– Université de la Polynésie Française

     Enfin, il est indispensable de former de futurs chercheurs et ce sous la forme de direction ou co-direction de thèses (par I. Bril, I. leblic et C. Moyse-Faurie)
– Suzie Bearune : L’expression linguistique de l’espace en nengone (Maré, Nouvelle-Calédonie) (soutenu le 27 janvier 2012)
– Manon Capo : Voix et voies du passé à Tibarama (Nouvelle-Calédonie). Dynamiques discursives et construction sociale de l’histoire locale
– Aurélie Cauchard : L’expression de l’espace dans la langue caac (région de Hoot ma Waap, Nouvelle-Calédonie.
– Samuel Cornier : Représentations, usages et gestion du milieu marin chez les Kanak de Nouvelle-Calédonie : entre coutumes, traditions et aires marines protégées
– Alexandre Djoupa : Analyse de quelques marqueurs et de quelques opérations en langue fagauvea (Ouvéa, îles Loyauté) (soutenu le 30 janvier 2013)
– Anne-Laure Dotte, Aménagement terminologique des langues minoritaires: application au iaai (Ouvéa, Nouvelle-Calédonie) (soutenu le 11 décembre 2013)
– Claude Teriierooiterai, L’héritage océanien contenu dans les mots de la langue tahitienne (soutenu le 9 décembre 2013)
– Fabrice Wacalie : Description morpho-syntaxique du nââ numèè (langue de Yaté, Extrême-Sud de la Nouvelle-Calédonie)(soutenu le 8 novembre 2013)

IX. "Projet Frantisek Lichtenberk"

Projet : ” A typology of clausal complementation in Oceania” (.doc) et CV de Frantisek Lichtenberk (.doc)

X. Manuscrits kanak

Le projet Archivage et valorisation d’un corpus de manuscrits kanak, une approche génétique (co-responsables M. Capo et J-.C. Rivierre) vise à explorer une dimension peu étudiée de la riche tradition littéraire des Kanak de Nouvelle-Calédonie, à savoir sa dimension écrite.
En effet, à partir du début du XXe siècle, des Kanak se sont résolument emparés de cette technique nouvelle, introduite avec la christianisation, qu’est l’écriture. De cet engouement ont émergé des lettrés qui ont légué à la postérité des manuscrits composés dans les langues vernaculaires. Ces manuscrits constituent un patrimoine tout à fait digne d’intérêt de par son originalité dans un univers culturel où l’oralité était et reste dominante.
 Cette tradition lettrée trouve ses fondements dans l’interaction entre les érudits kanak, engagés dans leurs univers sociaux et animés de leurs propres motivations à inscrire les savoirs locaux, et leurs interlocuteurs européens qui s’intéressaient à ces savoirs dans une optique missionnaire d’abord, puis scientifique. Ces pratiques d’écriture ont en effet été impulsées par le missionnaire ethnologue Maurice Leenhardt qui encourageait ses élèves-pasteurs kanak à coucher leurs traditions sur le papier en ajië, langue de la région d’implantation de la mission protestante. Cette démarche, ayant mené à la constitution du fameux corpus des “Cahiers de Leenhardt”, a été réinvestie et poursuivie par l’ethnologue Jean Guiart, notamment pour le paicî. Et, parallèlement à l’activité des chercheurs, les lettrés kanak ont produit des manuscrits pour leur usage personnel, dans différentes régions et langues kanak.
Ces acteurs sont autant de participants à l’élaboration conjointe d’une tradition d’écriture, mue par l’activité de production, de traitement, et de transmission de textes vernaculaires. Le Lacito occupe une place déterminante dans ce processus en tant que lieu central de l’activité d’exploitation scientifique des textes depuis André-Georges Haudricourt, puis Jean-Claude Rivierre et Alban Bensa, qui, dès les années 60-70, ont fait usage de ces manuscrits conjointement au recueil de récits et discours oraux en langues paicî et cèmuhî, comme supports à un travail ethnolinguistique approfondi, en collaboration avec des érudits comme Novis Pöömô et Antoine Goromido.
Pendant longtemps, les textes écrits ont été traités sur un même plan que les récits et discours oraux dans le cadre de l’étude de l’expression culturelle kanak. Mais depuis quelques années, ces documents font l’objet d’une “redécouverte” où la dimension écrite des textes et la question de l’autorité lettrée sont interrogées de front, tant dans la recherche française que dans les milieux intellectuels de la Nouvelle-Calédonie, comme en témoignent les diverses publications et recherches en cours citées en bibliographie.
  La présente proposition consiste à fournir un travail documentaire et descriptif qui offre une vue sur le développement de cette tradition lettrée, à partir de l’étude de documents-témoins, des manuscrits, dans une perspective d’inspiration génétique, c’est-à-dire en examinant l’histoire de leur élaboration.
Dans ce but sont interrogées les conditions d’existence d’un manuscrit donné, relevant :

  • des circonstances de sa production : par qui est-il produit ? Avec quelles motivations ? Au sein de quelle configuration de rapports sociaux ? Ces circonstances sont marquées de manière indicielle dans le document (une signature, un message d’adresse à un destinataire, l’expression textuelle d’une intention, etc.), et approfondies par une enquête sur le contexte socio-historique.
  • de son histoire génétique : quelles ressources et connaissances ont été investies dans l’acte d’écriture (des textes antérieurs, un système graphique, des procédés rhétoriques et textuels, etc.) ? Il s’agit de comprendre quelle place occupe le texte du manuscrit dans une chaîne de textes qui sont des transformations les uns des autres. Quand il y en a des traces, on offrira également une vue sur la postérité du document-témoin.

     Pratiquement, il s’agit de composer un “dossier génétique” pour chaque manuscrit retenu comme document-témoin, impliquant la création de documents d’établissement du texte, le renseignement de métadonnées et d’éléments d’interprétation, pour aboutir à une présentation rédigée des résultats du travail du traitement dans cette optique génétique.

Images : Photographies de manuscrits kanak (©Manon Capo). Source : Archives territoriales de Nouvelle-Calédonie.

Bibliographie :
Aramiou, Sylvain, Euritéin Jean (eds).

  • 2002 Pèci i Bwêêyöu Ërijiyi / Cahiers de Boesou Eurijisi. Première série 1915-1920. FELP, Houaïlou
  • 2003 Pèci i Bwêêyöu Ërijiyi / Cahiers de Boesou Eurijisi. Seconde série 1918-1921. FELP, Houaïlou

Bensa, Alban, Görömwèdö, Yvon & Muckel, Adrian. Les sanglots de l’aigle pêcheur. La guerre kanak de 1917 en Nouvelle-Calédonie. (à paraître)
Gorodé, Waia. Mon école du silence. (à paraître)
Guiart, Jean. 1998. Bwesou Eurijisi. Le premier écrivain canaque, Le Rocher-à-la-voile, Nouméa
Naepels, Michel & Salomon, Christine (eds). 2007. Terrains et destins de Maurice Leenhardt. Ed. de l’école des hautes études en sciences sociales, Paris.
Ogier-Guindo, Julia. 2005. Les chemins de l’imaginaire poétique dans le vivaa, discours traditionnels a’jië (Nouvelle-Calédonie), thèse de doctorat, Université de Savoie (dir. Jean Derive).
Rivierre, Jean-Claude & Ehrhart Sabine. 2006. Les textes de Raymond Diéla, Le Bwatoo et les dialectes de la région de Koné (Nouvelle-Calédonie), Peeters, Paris

 

(mise à jour : 10/04/2013)

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