La recherche au Lacito

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Typologie aréale de l'Eurasie du Nord

Participants

  • Responsable : François Jacquesson
  • Participants : P. Mennecier – J. Perrot

Nous menons depuis plusieurs années, avec :
– P. Mennecier (Musée de l’Homme, Lacito) : eskimo
– J.Perrot (EPHE-IVe section, membre corresp. de l’Institut) : ouralien
dans le cadre d’un groupe nommé “Typologie aréale de l’Eurasie du Nord” une recherche comparative portant sur les traits communs entre plusieurs langues d’Eurasie du Nord.
L’équipe travaille actuellement sur un trait particulier: le traitement morphosyntaxique similaire de l’énoncé et du syntagme nominal, qui se manifeste de façon frappante par l’utilisation des possessifs comme désinences personnelles des verbes.

Plusieurs langues de cette aire ont en effet ce trait en commun :

  • chez les langues ouraliennes (pour les verbes transitifs) les dialectes khanti-ostiak, mansi-vogoul, et mordves
    les langues samoyèdes
  • en tcherkesse, langue caucasienne du nord-ouest
  • chez les langues altaïques (pour certains temps ou modes)
    les langues türk
    les langues toungouses
    plus restrictivement les langues mongoles
  • en eskaléoute (pour les verbes transitifs)
  • en sibérien oriental, de façon limitée :
    en tchouktche et koriak
    en itelmen-kamtchadal
  • en aïnou (pour l’agent du transitif)
  • en nivx (pour le patient)

Nous sommes en train d’analyser et de cartographier ces faits, et de voir quelles structures analogues existent un peu plus loin, par exemple en Amérique du Nord.
Notre propos n’est pas, comme d’autres s’essaient à le faire, de montrer que plusieurs grands groupes linguistiques ont même origine. Nous pensons que la parenté de type “génétique” ne peut être démontrée que lorsqu’il existe du vocabulaire commun sur quoi on puisse bâtir un modèle de diversification phonologique; et que l’ancienneté des séparations des groupes que certains collègues présument avoir eu même origine est si lointaine que le lexique commun a fondu au-delà de toute possibilité comparative raisonnable. Ce sur quoi nous voulons mettre l’accent est différent.
L’Eurasie du Nord, en dehors des espaces côtiers, est un très vaste espace géographiquement et climatiquement homogène. On a montré que des traits culturels analogues se retrouvaient d’un bout à l’autre du continent. Quelles que soient les origines de chacun des groupes ethniques qui vivent là, il est certain qu’il s’agit d’un domaine où les contacts ont été anciens, nombreux, continus. En conséquence, si cela accroît la difficulté de retrouver “l’origine” de chacun des groupes, cela rend plus plausible une recherche comparative des traits empruntables, et une géo-linguistique de leur extension.
Ceci permet d’attirer l’attention sur un phénomène d’une grande importance. Les langues de ces régions froides ont la réputation (qu’on peut parfois en effet confirmer par des observations, quand nous avons des témoignages anciens) d’évoluer lentement. Au-delà des questions particulières qu’elle pose, cette aire d’Eurasie du Nord permet donc d’avancer une enquête sur la diversité des rapidités d’évolution linguistique, et leurs corrélats ethno- ou sociologique – enquête qui nous paraît offrir un contexte plus vaste et plus précis à la question tristement actuelle de “la mort des langues”.

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