La recherche au Lacito

Programmes en partenariat (passés)

East meets West

Un projet pluri-disciplinaire en Asie Centrale et dans le Nord-Est de l’Inde
2000-2003-2007

Coordinateur : François Jacquesson

Le mausolée d’Ismaïl Samani (Xe siècle) à Boukhara
(photo F. Jacquesson)

1.1. Participants en France (ordre alphabétique)
Ethnologie
            Svetlana Jacquesson (IFEAC puis MPI Halle)
Génétique des populations
            Evelyne Heyer (CNRS et MNHN)
            Ken McElreavey (Institut Pasteur)
            Lluis Quintana-Murci (CNRS)
Linguistique
            François Jacquesson (CNRS)
            Philippe Mennecier (MNHN)

clefs des abréviations :
IFEAC     Institut Français d’Etudes sur l’Asie Centrale à Tachkent, Ouzbékistan. (CNRS et Ministère des Affaires Etrangères)
MNHN    Museum National d’histoire Naturelle
MPI         Max Planck Institute.

 

1.2. Durée du projet, et inscription institutionnelle
Ce projet s’inscrit dans le thème OMLL (Origin of Man, of Language, of Languages) des Eurocores de la European Science Foundation (ESF), sous le nom particulier de East meets West et depuis 2003. Il s’achève en 2007 avec le thème OMLL.
Ce thème OMLL de l’ESF prolongeait une initiative française, pilotée par Alain Peyraube et Jean-Marie Hombert. Cette initiative était l’Action Concertée Incitative dite OHLL (Origine de l’Homme, du Langage, des Langues), qui avait pris naissance en 2000. Dans ce cadre français, notre projet s’appelait « Nord et Sud de l’Himalaya. Echanges linguistiques et génétiques » (NSH).

 

1.3. Naissance et propos du projet
            Le projet est né de discussions entre Philippe Mennecier et François Jacquesson, au moment où celui-ci développait une théorie reliant vitesse d’évolution des langues et densité de population. Mennecier a présenté Jacquesson à André Langaney, alors directeur du Labo de génétique au MNHN. Avec une élève de Langaney, Evelyne Heyer, puis deux autres généticiens (L. Quintana et K. McElreavey) collègues de Heyer, une équipe s’est constituée pour proposer un projet dans le cadre OHLL qui se montait à ce moment-là. Le projet a été rédigé essentiellement par Jacquesson, qui a reçu la tâche de coordonner l’ensemble.
            François Jacquesson, et son épouse Svetlana, ont également proposé les terrains d’enquête. François Jacquesson travaillait surtout dans le NE de l’Inde et Svetlana Jacquesson en Asie centrale ; elle serait d’ailleurs nommée chercheur à l’IFEAC, à Tachkent, peu de temps après le début du Projet.
            L’idée était d’étudier l’histoire des populations en comparant les résultats des trois sciences représentées dans l’équipe.

 

1.4. Déroulement du projet
Le Projet est passé par deux phases distinctes. Jusqu’en 2004 environ, « nature et culture » ont fonctionné ensemble : spécialistes de sciences humaines d’un côté, biologistes de l’autre, ont monté et accompli plusieurs missions communes. Toutefois, le rythme et l’allure des missions était commandé par les généticiens, qui collectaient des dizaines d’échantillons sanguins, avec l’aide essentielle de collègues ouzbékistanais et d’équipes locales importantes. Le travail des linguistes et ethnologues (sauf dans les deux voyages préliminaires qu’ils avaient prudemment faits) était réduit à des regrets.
            En outre, les premiers résulats de génétique ont fait apparaître que la distribution des « types » génétiques produisait des arbres ou des cartes qu’il était impossible de comparer fructueusement avec les données des ethnologues et des linguistes.
            Les généticiens du groupe ont eu quelque difficulté avec la perspective historique de notre propos : histoire des populations. Leur discipline n’est pas une discipline historique en ce sens qu’elle ne permet pas d’ordonner chronologiquement des événements distincts. C’est sans doute une conséquence de cette difficulté, que les problèmes que nous avons rencontrés lorsque les ethnologues ou linguistes ont voulu appréhender des événements historiques, dont l’intérêt paraissait nul aux généticiens. Alors qu’il avait d’abord été question de comparer des cartes, il est apparu que la génétique des populations ne produit pas de carte, et les collègues généticiens ont alors réagi brutalement au fait que ni l’ethnologie ni la linguistique ne trouvent crédibles des schémas créés à coup de logiciels dont la rationalité n’est pas explicite. D’autre part, les généticiens étaient plus intéressés par les “premières vagues” de peuplement – aspects qui n’intéressent guère l’anthropologie sociale.
            A partir de 2004, les deux groupes se sont donc écartés, et les généticiens, qui avaient entre temps abandonné tout intérêt pour le NE de l’Inde où François Jacquesson travaillait, ont poursuivi leurs travaux en solitaires en Asie centrale, où Svetlana Jacquesson poursuivait les siens en ethnologie, notamment au Kirghizstan.

 

2.1. Au Karakalpakstan

L’équipe au Karakalpakstan pendant la Mission n°3
La 5e à partir de la g. est Sv. Jacquesson. L’homme en chapeau marron est le Dr. Ezbergenov. A sa gauche (bras nus), E. Heyer. L’homme le plus grand à dr. est Ph. Mennecier. La photo est de F. Jacquesson

La première région fédératrice, et la seule où les membres du Projet aient travaillé vraiment de concert, est le Karakalpakstan, un territoire doté d’un statut administratif particulier, mais appartenant à l’état d’Ouzbékistan.

L’Ouzbékistan (frontières en tirets)
Sa partie occidentale, au sud de la mer d’Aral, est le territoire autonome du Karakalpakstan, dont la capitale est Noukous. (carte F. Jacquesson)

 

2.2. Les missions au Karakalpakstan

Le sud de l’Aral et le delta de l’Amou (notés « Qoraqalpoghiston »)
Muynoq marquait autrefois le rivage de l’Aral, c’était un port.
La région beaucoup plus habitée, de part et d’autre de la frontière Ouzbèke/Turmène est le Khorezm.
On y visite la ville-musée de Khiva, un site-clef de la Route de soie, autrefois grand marché aux esclaves.
(source de la carte : Encarta 2001)

 

Mission 1. Novembre 2000. F. et Sv. Jacquesson. Visite systématique des principales localités du Karakalpakstan. Relevés linguistiques.

Mission 2. Février 2001. F. et Sv. Jacquesson. Rencontres à la filiale de l’Académie des Sciences à Noukous. Rencontre avec Vadim Yagodine, dir. de l’Institut d’archéologie, d’ethnographie et d’histoire.

Mission 3. Avril 2001. F. et Sv. Jacquesson, E. Heyer et Ph. Mennecier, avec Tatiana Khigai de l’Institut de génétique de l’Acad. des Sciences de Tachkent. Et une quinzaine de personnes : chauffeurs, guides, infirmières et médecins, cuisinières.

Petit album photos de la mission Karakalpakstan n° 3

Les photos sont de F. et Sv. Jacquesson

Mission 4. Février 2002. Sv. Jacquesson et une quinzaine de personnes.

Mission 5. Avril 2002. Catherine Hänni et le doctorant Ludovic Orlando (paléo-génétique), avec Julio Bendezu-Sarmiento (paléo-anthropologie). Exploration de tombes de la nécropole de Krantau.

 

La mission 5 au Karakalpakstan
En bas à g. : Julio Bendezu (bras nus) et Vadim Yagodin (pull bleu). La 3e en partant de la dr. est C. Hänni. Photo de L. Orlando.

Mission 6. Juin 2002. F. et Sv. Jacquesson. Contacts à Noukous (mission avec l’ambassadeur Jacques André Costilhes). Présentation du volume des Cahiers d’Asie Centrale dévolu au Karakalpakstan.

 

2.3. Le volume sur le Karakalpakstan

(photo et table du numéro à venir)

3.1. Après le Karakalpakstan

En septembre 2002, Sv. Jacquesson est allée au Kirgizstan prendre des contacts et préparer un dernière expédition commune avec E. Heyer, qui a eu lieu en avril 2003.
Ensuite de quoi, tandis que nos collègues généticiens poursuivaient leurs collectes d’échantillons sanguins avec l’aide dynamique de Tatiana Khigai, et que E. Heyer guidait son étudiante R. Chaix dans une thèse sur leurs résultats, Sv. Jacquesson reprenait ses travaux interrompus sur le pastoralisme de haute montagne puis sur l’anthropologie politique des Kirghizes. Un certain nombre de ses missions ont été financées par notre Projet, en dernier lieu une mission en Chine parmi les Kirghiz du Xinjiang chinois (septembre 2005), organisée avec nos collègues kirghiz de Bichkek dont Ablabek Asankanov. Elle est actuellement senior researcher au Max Planck Institute à Halle (Allemagne).

Quant à François Jacquesson, il a synthétisé des données éparses sur les langues des massifs montagneux politiquement divisés (Indou-Kouch et Pamir, voir ci-dessous 2004a) afin de procurer un tableau plus intelligible de la « frontière » linguistique turko-iranienne. D’autre part, il a poursuivi ses travaux dans le Nord-est de l’Inde en publiant une grammaire de la langue deuri (2005b), en soutenant une habilitation dont le dossier central est une comparaison des langues boro-garo (2005a, 2006b), et en affinant ses techniques d’analyse de la relation entre densité de population et vitesse d’évolution des langues – thématique qui avait été le point de départ du Projet, et qui l’a amené à faire de nombreux exposés et conférences.

 

3.2. Enquêtes en altitudes : Kirghizstan

(en cours de réalisation)

 

3.3. La frontière linguistique turko-iranienne

L’Eurasie des steppes n’est pas riche en langues. C’est au contraire une énorme surface où la variété linguistique est des plus faibles. Ce fait a attiré l’attention depuis longtemps, et l’on a proposé à cela des explications diverses. Il en ressort deux conséquences.
D’une part la nécessité d’étudier le tissu de contacts (structure sociale incluse, mais aussi rapports inter-ethniques à travers l’histoire) qui permet la diffusion ou la conservation de si peu de langues. Ce premier point est au cœur de la théorie de F. Jacquesson sur les densités de population et la vitesse d’évolution des langues (2003a, 2001, 1999).
D’autre part l’intérêt d’oberver ce qui se passe aux « frontières » de cette plaque froide, et notamment aux frontières méridionales – là où le « monde des steppes » entre en contact avec les cultures plus urbanisées, que ce soit celles de l’Europe, de l’Iran ou de la Chine.

Ce second point a donné lieu à Jacquesson 2004a, une étude détaillée (avec cartes de l’auteur) de la variété typologique, de la distribution, et de la signification historique des langues indo-iraniennes des hautes montagnes, juste au sud de l’Asie centrale. Le même auteur a du reste décrit à plusieurs reprises l’importance des piémonts dans l’étude de Ferghana – une région-clef pour l’étude de l’histoire et des populations de l’Asie centrale.

La poche au centre, enserrée par les montagnes : le Ferghana
On notera le découpage très complexe des frontières nationales, avec de nombreuses enclaves.
(la carte vient de Encarta 2001)

L’étagement ethno-linguistique sur les piémonts du Ferghana
(Notes de terrain – F. Jacquesson)

3.4. Langues du Nord-Est de l’Inde

Voir là-dessus : (page web au labo)

Cette thématique importante s’est développée heureusement dans un projet pluridisciplinaire « Brahmapoutre », financé par l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR), et qui possède son propre site web.

 

4. Les publications en sciences humaines liées au Projet

François Jacquesson. 2006b. La reconstruction linguistique du passé. Le cas des langues boro-garo. Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 101/1, 273-303.
F. Jacquesson. 2006a. Compte rendu de : The phonology of Mongolian / Jan-Olof Svantesson, A. Tsendina, A. Karlsson, V. Franzén, Oxford University Press, 2005 In: Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 2006, 101/2, 276-281.
F. Jacquesson. 2005b. Le Deuri : Langue tibéto-birmane d’Assam. Paris-Louvain, Peeters, XXVIII-422p., ill.
F. Jacquesson. 2005a. Essai de comparaison des langues Boro-Garo. Mémoire d’Habilitation à diriger des recherches. EPHE et Paris-3.
F. Jacquesson. 2004b. Galõ et angami (Tibéto-birman). In : Le nom composé / P. Arnaud (éd.) Presses Universitaires de Lille, 2004, p.115-129.
F. Jacquesson. 2004a. Les langues indo-iraniennes des Pamirs et de l’Hindou Kouch. In: Cahiers d’Asie Centrale, 2004, n°11-12, p.15-59.
F. Jacquesson. 2003b. Kokborok, a short analysis. In : Mukumu : Kokborok Tei Hukumu Mission, 10th Anniversary Volume, Agartala, 109-122.
F. Jacquesson. 2003a. Linguistique, génétique et la vitesse d’évolution des langues. Bulletin de la Société de linguistique de Paris,  98/1, 101-122.
F. Jacquesson. 2002. Les parlers karakalpak dans leur contexte. Cahiers d’Asie Centrale 10, Svetlana Jacquesson (ed.) Karakalpaks et autres gens de l’Aral, 93-137.
F. Jacquesson. 2001. Pour une linguistique des quasi-déserts — In : Etude de linguistique générale et contrastive : Hommage à Jean Perrot / A.M. Loffler-Laurian (ed.) — Paris : Centre de Recherche sur les Langues et les Sociétés, p.199-216.
F. Jacquesson. 1999. L’évolution des langues dépend-elle de la densité des locuteurs ? — In : Etudes finno-ougriennes,  vol.31, p.27-34.

Svetlana Jacquesson. 2005 with A. Japarov. Domestic Animals in Social Relations among the Kyrgyz. (in Russian), Central Asia and Culture of Peace (Journal of the Central Asian Centre for Conflict Prevention, Bishkek), N°1-2, 2005, pp. 67-81.
Sv. Jacquesson. 2005. Social virtues of the fermented mare’s milk (in Russian), in: Nasledie material’noj I duhovnoj kul’tury Kyrgyzstana [Material and Spiritual Heritage of Kyrgyzstan] Bishkek: Institut of History of the Academy of Sciences; UNESCO, 2005; pp. 77-86.
Sv. Jacquesson. 2004. R. Chaix, F. Austerlitz, T. Khegay, Sv. Jacquesson, M. F. Hammer, E. Heyer, L. Quintana-Murci. The Genetic or Mythical Ancestry of Descent Groups: Lessons from the Y-chromosome, The American Journal of Human Genetics 75, pp. 1113-1116.Sv. Sv. Jacquesson. 2003. In the Heart of Tian Shan: History and Future of Pastoralism in Kyrgyzstan (in French), Cahiers d’Asie centrale N°11-12, pp. 203-244.
Sv . Jacquesson. 2002. Ethnographic Explorations in the History of Deltas (in French), Cahiers d’Asie centrale N°10, pp. 51 – 92.
Sv. Jacquesson. 2002. Avec O. Mansurov. Karakalpak Bibliography: Addenda to the Bibliography of Central Asia of Yuri Bregel and al., Cahiers d’Asie centrale N°10; pp. 249 – 267.

Svetlana Jacquesson est en outre l’éditeur scientifique d’un volume consacré au Karakalpakstan, le premier terrain d’investigation du projet : Karakalpaks et autres gens de l’Aral, Cahiers d’Asie centrale n°10, publié par l’Institut Français d’Etudes sur l’Asie Centrale (MAE & CNRS), à Tachkent.

 

5. Les colloques liés au Projet et à OMLL

            Deux colloques pluri-disciplinaires internationaux organisés par François Jacquesson, tenus en 2007, sont liés de très près au Projet East meets West.

            L’un d’entre eux, nommé Workshop Migrations a eu lieu entre 5 et 7 septembre 2007, à Porquerolles. Il possède ses propres pages web, où l’on peut trouver des renseignements détaillés, les résumés des contributions et certaines d’entre elles au complet. Il a été conçu, avec l’appui du secrétariat du thème OMLL (remercions notamment Eva Hoogland), comme un effort de synthèse sur un problème clef de ce thème « Origine de l’Homme, du Langage, des Langues », en rassemblant des collègues soucieux de contribuer à une réflexion de fond sur les causes et les manières des migrations humaines. Jean-Marie Hombert, l’un des fondateurs d’OHLL puis OMLL, nous a fait l’honneur d’y participer activement. Le colloque s’est tenu dans une atmosphère très cordiale. Il a contribué à éclaircir les lignes de débat, tout en favorisant un dialogue aimable, utile, détendu.

Pendant le colloque Migrations, sept. 2007, Porquerolles. De g. à dr. Hervé Le Bras, Alf Hornborg, Djamel Kouloughli

L’autre colloque, Steppes and their suburbs, s’est tenu à Porquerolles les 29-30 septembre et 1er octobre 2007. Il a été une conséquence directe de notre Projet et financé par lui. Il possède également ses pages web. Il a rassemblé des historiens, anthropologues, archéologues et linguistes qui travaillent sur l’espace et les cultures des steppes d’Eurasie.

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