photo Alexandre Francois

Alexandre FRANÇOIS  

Directeur de recherche au CNRS (ancien membre du Lacito)

=> membre du Lattice depuis le 4 septembre 2018

 

Thèmes de recherche

• Description et comparaison des langues d’Océanie (Mélanésie, Polynésie)
• Typologie grammaticale ; Construction linguistique des événements, des référents, des relations spatiales
• Typologie lexicale ; Polysémie et changement sémantique
• Linguistique aréale et dialectologie ; Convergence et divergence
• Linguistique historique et comparative ; Modélisation du changement et de la diversification des langues
• Ethno-linguistique ; ethnomusicologie ; Littératures orales, Arts de la parole

 

Programmes de recherche

Opérations de recherche au Lacito :
• Etudes océaniennes (jusqu’à sept. 2018)
• Problèmes d’analyse et de comparaison des langues (co-resp. 2012-2017)
• Terrains (resp. 2015-2017)
• Terrains, analyse et comparaison des langues (2017-sept. 2018)
• Structures du lexique : Typologie et dynamiques (co-resp. 2017-sept. 2018)

 

Mots-clés

Vanuatu – langues océaniennes – description linguistique – morphosyntaxe – sémantique – lexicologie – tradition orale – musique – chant

araki – bislama – dorig – hiw – koro – lakon – lehali – lemerig – lo-toga – lovono – löyöp – mota – mwerlap – mwesen – mwotlap – nume – olrat – tanema – teanu – tikopia – vera’a – volow – vurës

Vidéo

— 2013, Combien de langues sont parlées dans le monde [A. François et N. Quint], film (en ligne depuis le 11 octobre), 9:02 mn, réalisation Céline Ferlita (UPS2259, série “Langues vivantes, langues vitales”).
— 2013, Alexandre François, 1997, Premier voyage au Vanuatu, film (en ligne depuis le 20 décembre), 8:05 mn, réalisation Franck Guillemain (UPS2259, série “Documentaires”).

 

Site web personnel

http://alex.francois.free.fr

Publications

Publications / Communications (ou accès  Academia.edu)

 

Communications (sélection)

— 2017, “Words from our Ancestors: The art of sung poetry in northern Vanuatu”. Keynote address, 10th Conference On Oceanic Linguistics (Cool10). Honiara, Îles Salomon.
— 2016, “Building (on) a few dictionaries from Asia & the Pacific”. Workshop Challenges of electronic dictionary publication, Univ. Leipzig (resp. Iren Hartmann, M. Haspelmath), 8-9 avril 2016. [orateur invité]— 2016, The coding of (in)definiteness in northern Vanuatu: Anaphora, specificity, topicality, 8th Austronesian and Papuan Languages and Linguistics conference (APLL8), School of Oriental and African Studies (SOAS), Londres, 13-14 mai 2016.

Ouvrage et Edition d'ouvrages ou de revues

— à paraître, Voices from the Volcano: Stories from Gaua Island, Vanuatu. World Oral Literature Series. Cambridge: Open Book Publishers.
— (avec Jean-Michel Charpentier†), 2015, Atlas linguistique de la Polynésie française / Linguistic Atlas of French Polynesia, Berlin-Papeete, De Gruyter–UPF,, 2562 p., 2553 cartes.(présentation ici)
— François, A.; S. Lacrampe, M. Franjieh & S. Schnell (eds) 2015. The Languages of Vanuatu: Unity and Diversity. Studies in the Languages of Island Melanesia, 5. Canberra: Asia–Pacific Linguistics Open Access. 271 pp. (ISBN: 978-1922185235). Présenté ici.

Articles dans des revues scientifiques

Articles et chapitres d’ouvrage :
— sous presse, (avec Siva Kalyan) Freeing the Comparative Method from the tree model: A framework for Historical Glottometry. In Ritsuko Kikusawa & Lawrence Reid (eds), Let’s talk about trees: Tackling Problems in Representing Phylogenic Relationships among Languages (Senri Ethnological Studies). Osaka: National Museum of Ethnology.
— 2017, Méthode comparative et chaînages linguistiques : Pour un modèle diffusionniste en généalogie des langues. In Jean-Léo Léonard (ed.), Diffusion : implantation, affinités, convergence. Mémoires de la Société de Linguistique de Paris, XXIV, 43–82. Louvain : Peeters.
— 2017, The economy of word classes in Hiw, Vanuatu: Grammatically flexible, lexically rigid. In Eva van Lier (ed.), Lexical Flexibility in Oceanic Languages. Special issue of Studies in Language. 41 (2): 294-357.
— 2016, The historical morphology of personal pronouns in northern Vanuatu. In Konstantin Pozdniakov (ed.), Comparatisme et reconstruction : tendances actuelles. Faits de Langues. Bern: Peter Lang. 25–60.
— 2015, [A. François; M. Franjieh; S. Lacrampe & S. Schnell], The exceptional linguistic density of Vanuatu. In The Languages of Vanuatu: Unity and Diversity, ed. by A. François, S. Lacrampe, M. Franjieh & S. Schnell. Studies in the Languages of Island Melanesia, 5. Canberra: Asia Pacific Linguistics Open Access. Pp. 1–21.
— 2015, The ins and outs of up and down: Disentangling the nine geocentric space systems of Torres and Banks languages. In The Languages of Vanuatu: Unity and Diversity, ed. by A. François, S. Lacrampe, M. Franjieh & S. Schnell. Studies in the Languages of Island Melanesia, 5. Canberra: Asia Pacific Linguistics Open Access. Pp. 137-195.
— 2015, Temperature terms in northern Vanuatu. In Maria Koptjevskaja Tamm (ed.). The Linguistics of Temperature. Amsterdam, New York: John Benjamins. Pp.832-857
— 2014, [Harold Koch, Robert Mailhammer, Robert Blust, Claire Bowern, Don Daniels, Alexandre François, Simon Greenhill, Brian Joseph, Lawrence Reid, Malcolm Ross & Paul Sidwell], Research priorities in historical-comparative linguistics: A view from Asia, Australia and the PacificDiachronica, 31: 2, 267–278.
— 2014, Trees, Waves and Linkages: Models of Language Diversification. In Claire Bowern & Bethwyn Evans (eds), The Routledge Handbook of Historical Linguistics. New York: Routledge, 161-189.
— 2013 (avec Maïa Ponsonnet), Descriptive linguistics. In Jon R. McGee and Richard L. Warms (ed.), Theory in Social and Cultural Anthropology: An Encyclopedia, vol.1, 184-187. SAGE.
— 2013, Shadows of bygone lives: The histories of spiritual words in northern Vanuatu. In Robert Mailhammer (ed.). Lexical and structural etymology: Beyond word histories. Studies in Language Change, 11. Berlin: DeGruyter Mouton. p.185-244.
— 2012, Ditransitive alignment and referential hierarchies in Araki. In Eva van Lier (ed), Referential Hierarchies in Three-participant Constructions. Special issue of Linguistic Discovery, 10: 3.

Discographie

— 2013 (avec Monika Stern). Musiques du Vanuatu: Fêtes et Mystères – Music of Vanuatu: Celebrations and Mysteries. Enregistrements musicaux (Label INÉDIT). Paris: Maison des Cultures du Monde. 1 CD W 260147 SC848. CD: 73’39”, avec livret explicatif (24 + 128 pp.). (présenté ici)

“Images”

La pêche collective à la liane (côte nord-est de l'île de Gaua, îles Banks, Vanuatu)

Cette technique traditionnelle de “pêche à la liane” est employée dans divers endroits de l’Océan Pacifique, du nord du Vanuatu à la Polynésie, en passant par Fiji où elle est connue sous le nom de yavirau.
  Confectionnée à l’aide de longues lianes mises bout à bout et étoffées à l’aide de palmes de cocotier, cette sorte de filet géant peut être long de plusieurs centaines de mètres. Le jour de la pêche collective, tout le village se réunit sur le récif, à marée descendante, et déploie la liane de façon à former un immense cercle autour du lagon. Quand la marée est basse, le poisson se retrouve prisonnier sur le récif corallien, dans quelques centimètres d’eau, et retenu par l’épaisseur des feuilles de cocotier. Les femmes alors frappent l’eau pour ramener les poissons vers les hommes, qui les abattent à coups de flèches ; les plus petits sont attrapés à la main par les enfants.

© Alexandre François (CNRS-LACITO, août 2003)

Lieu : Océanie, Vanuatu, île de Gaua – Langue : mwerlapnume

Ecole de Lahlap, Motalava (Vanuatu)

Jusqu’à son indépendance en 1980, l’archipel du Vanuatu était connu sous le nom de Nouvelles-Hébrides. Il s’agissait d’un condominium franco-britannique, exemple unique au monde de région administrée conjointement par les colonisateurs français et anglais. Aujourd’hui encore, le Vanuatu indépendant tente de préserver la connaissance des deux langues officielles du pays, le français et l’anglais, en leur réservant un sort en principe égalitaire. Il arrive parfois qu’un même village enseigne les deux langues à égalité : ainsi, dans l’île de Motalava (îles Banks, nord du Vanuatu), l’école anglophone [photo] ne se trouve qu’à une centaine de mètres de l’école francophone. Il est fréquent qu’une même famille envoie ses enfants dans les deux écoles, afin d’accroître leurs chances futures de succès scolaire.
   Cependant, dans ces zones rurales où le mode de vie est resté largement traditionnel, anglais et français n’existent guère que dans le cadre scolaire. Les langues que l’on parle quotidiennement dans les villages sont les diverses langues mélanésiennes : dans l’île de Motalava, on parle le mwotlap. Ces langues vernaculaires diffèrent d’une île à l’autre, voire d’un village à l’autre : au total, le Vanuatu en compte plus d’une centaine, véritable mine d’or pour les linguistes. Enfin, si un locuteur d’une de ces langues rencontre une personne originaire d’une autre île, il ne lui parlera ni en anglais ni en français, mais en bichelamar (bislama) – un pidgin à base d’anglais, né au XIXe siècle, qui sert de langue véhiculaire à travers tout l’archipel.

© Alexandre François (CNRS-LACITO, juillet 2003)

Lieu : Océanie, Vanuatu (ex Nouvelles-Hébrides) – Langues : mwotlap, bislama

Fougères sculptées (Gaua, Vanuatu)

L’île de Gaua, dans les îles Banks au nord du Vanuatu, a préservé l’art de la sculpture sur fougère arborescente. Ce type d’arbre (genre Cyathea) présente un tronc fibreux, de couleur sombre, facile à modeler à l’aide d’une lame aiguisée. Les sculptures ainsi taillées, hautes de 1 à 2 mètres, étaient autrefois dressées à l’entrée des maisons sacrées – dites “nakamal” – réservées aux hommes initiés et aux dignitaires de haut rang. Elles sont aujourd’hui très recherchées par les antiquaires et marchands d’art du Pacifique, et cet artisanat encore vivant contribue à l’économie locale.
Ces statues anthropomorphes représentent les Esprits surnaturels, ombres des Ancêtres décédés, qui règnent sur la forêt dense de ces îles volcaniques. Dans certaines langues des îles voisines, ces statues seront désignées du même mot que les Esprits eux-mêmes (ex. en mwotlap natmat “mort; ancêtre; Esprit; Ogre; coiffe ou statue représentant un Esprit…”). Mais dans l’île de Gaua même, là où la tradition statuaire est la plus forte, on préfère employer des termes moins évocateurs pour ces mêmes sculptures: en lakon (langue de la côte ouest), on parle de nawo jaajun “visages d’hommes”; et en dorig (langue du sud-est de l’île) on les appellera simplement dro “fougère”. Il s’agit probablement là d’un phénomène de tabou linguistique, par lequel on évite soigneusement de prononcer les mots qui font peur.

© Alexandre François (CNRS-LACITO, août 2003)

Lieu : Océanie, Vanuatu, Gaua – Langues : lakonolratdorigmwotlap

Pêche au trident dans le lagon de Hiw (îles Torrès, Vanuatu)

Les Mélanésiens qui vivent au nord du Vanuatu vivent le plus souvent sur le littoral, et de préférence autour des lagons. Ces endroits protégés des vents et des courants, permettent de se baigner sans risques. Il en va ainsi de la petite île de Hiw, et de ses 150 habitants. Les enfants y passent une grande partie de la journée à jouer dans la baie, tantôt s’adonnant à la pêche au trident – tantôt, allongés sur une planche de bois, se laissant emporter par la cime des vagues…

© Alexandre François (CNRS-LACITO, 26 janvier 2006)

Lieu : Océanie, Vanuatu, îles Torrès, Hiw – Langue : hiw

Le regard de l'Ancêtre

Parmi les nombreuses formes de danse prisées par la population mélanésienne de Motalava – une petite île au nord du Vanuatu – les danses masquées sont auréolées de prestige et de mystère. Si elles sont réservées aux hommes adultes, c’est parce qu’eux seuls ont passé les épreuves initiatiques qui leur permettent de pénétrer le monde des Morts et des Ancêtres. Précisément, dans la langue locale (le mwotlap), le mot natmat désigne à la fois le défunt, l’Ancêtre, l’Esprit, mais aussi toute représentation symbolique de ces derniers – qu’elles prennent la forme de statues ou de coiffes cérémonielles. Chaque danseur sur la place portera sur la tête un natmat qu’il se sera confectionné lui-même en forêt, dans un endroit tenu secret. Ces coiffes parfois spectaculaires représentent les Esprits sous diverses formes – souvent celle d’une créature de l’océan, comme ici, un oursin géant. Parfois, un groupe de quelques Ancêtres quittent leur forêt profonde, et viennent tournoyer sous les yeux des Vivants, au milieu du village; ils dansent au son d’une étrange musique sans paroles ni mélodie, le “neqet”. L’œil grand ouvert – ici en rouge – l’ancêtre nous observe. Il vient nous guider en ce monde, jusqu’au jour où nous serons réunis dans le sien, quelque part en forêt profonde.

© Alexandre François (CNRS-Lacito, 25 décembre 2005)

Lieu : Océanie, Vanuatu, Îles Banks, Motalava – Langue : mwotlap

Lieu : Europe, Grèce, Liti – Langue : nashta

La musique de l'eau (Gaua, Vanuatu)

Un petit groupe de femmes du village de Jolap, sur la côte ouest de l’île de Gaua, a inventé une pratique musicale originale : la musique de l’eau. En langue lakon, le nom de cette pratique est wespuang, littéralement “gifler”. Les femmes se tiennent dans l’eau – soit une rivière, soit la mer toute proche – debout jusqu’à la taille, et en “giflent” la surface de diverses manières. En fonction de la position et du geste des mains, le contact avec la surface de l’eau produira des sons graves ou aigus, sourds ou légers. Le groupe des musiciennes joue les mêmes gestes au même moment, créant un effet sonore – et visuel – des plus originaux. Plusieurs combinaisons rythmiques et gestuelles ont d’ores et déjà donné lieu à des pièces musicales bien distinctes, comme celles du “dauphin” ou du “serpent de mer”.
    Cette pratique musicale connaît de plus en plus de succès auprès des visiteurs étrangers, et s’est même déjà produite dans certains festivals, jusqu’en Europe. Partout, on présente cette musique de l’eau comme issue de la “tradition” de Gaua. C’est pourtant faux : l’interprète principale, Rowon (à gauche sur la photo), explique en privé qu’elle a elle-même inventé cette nouvelle tradition musicale il y a quelques années, un jour qu’elle faisait la lessive dans la rivière. Elle s’inspirait alors de jeux d’eau similaires qu’elle avait vus, dans son enfance, en son île natale de Merelava, au sud-est de Gaua. Aux yeux des villageois de Jolap, cette musique de l’eau est donc en réalité aussi nouvelle, et fascinante, que pour les voyageurs de passage…

© Alexandre François (CNRS-LACITO, août 2003)
Lieu : Mélanésie, Vanuatu, Îles Banks, côte ouest de Gaua – Langues : lakonolratmwerlap

« Le Serpent de Mer » (Vanuatu)

L’une des danses les plus fascinantes de Motalava, dans les îles Banks au nord du Vanuatu, s’appelle nemwe “le Serpent de Mer”. La tête recouverte d’algues, le corps méthodiquement enduit de charbon et de corail en poudre, les danseurs évoluent sur la place du village, au rythme d’un ancien chant Mwè ol è aux paroles mystérieuses. Les sinuosités de la danse évoquent la nage du serpent marin Laticauda colubrina, connu en Nouvelle-Calédonie sous le nom de “tricot rayé“. Ce fascinant serpent marin, rayé de noir et de blanc, est redoutable pour les pêcheurs des lagons alentour. Sa piqûre venimeuse, et sa grâce naturelle, ont fait de ce prédateur une créature mythologique capable de séduire et envoûter l’imprudent. C’est cette divinité qui un jour enseigna aux hommes sa propre danse, et le chant secret qui l’accompagne. Mais tout le monde n’a pas accès au savoir des Esprits: seuls les garçons initiés – reconnaissables à leurs longues perches ornées de fruits – ont acquis le droit d’incarner le Serpent de Mer.

© Alexandre François (CNRS-Lacito, août 2007)

Lieu : Océanie, Vanuatu, îles Banks, Motalava – Langue : mwotlap

Le crabe de cocotier, animal roi des îles Torrès (Vanuatu)

Les îles Torres, au nord du Vanuatu, sont célèbres dans tout le pays pour héberger en abondance un animal, le crabe de cocotier (Birgus latro). Ce crustacé terrestre (krab kokonas en bislama, gutut en langue hiw) se nourrit presqu’exclusivement de noix de coco ; c’est d’ailleurs avec la chair de coco qu’on les appâte pour les attraper, lors des traditionnelles séances nocturnes de chasse dans les montagnes. Ses dangereuses pinces, suffisamment puissantes pour craquer l’épaisse coque des noix de coco, ainsi que ses dimensions parfois imposantes, ont fait de lui un personnage dangereux des contes traditionnels, comme ici à Hiw. Aujourd’hui, l’animal constitue un mets de choix non seulement auprès de la population locale, mais aussi dans la capitale Port-Vila, où de nombreux restaurants touristiques proposent sa chair délicate pour des prix comparables à ceux des homards et langoustes.
     Excepté les saisons où il est protégé pour éviter la surexploitation, les petits avions qui traversent l’archipel comptent souvent des crabes de cocotier à bord : ce commerce avec les restaurants apporte désormais aux îles Torres une part importante de leurs revenus économiques.

© Alexandre François (CNRS-Lacito, août 2007)

Lieu : Océanie, Vanuatu, îles Torrès – Langues : hiwbislama

Rencontre avec les Esprits de la forêt (îles Torrès, Vanuatu)

Une promenade dans les hauteurs de Toga, l’une des îles Torrès au nord du Vanuatu, peut conduire à une rencontre singulière avec les Esprits. Au beau milieu de la forêt se dressent de mystérieux mégalithes sculptés, hauts d’environ 1 m, et que la langue lo-toga nomme dule [t̻ʉlə]. Bien davantage qu’une simple statue, le dule est la manifestation terrestre, sous les traits d’un rocher anthropomorphe, d’une divinité de l’île. À ce titre, ces pierres sont encore craintes de nos jours, et l’on ne s’en approche qu’avec prudence. Jusqu’à une époque récente, chaque mégalithe servait d’autel sacré sur lequel on déposait les offrandes aux esprits, lors de rites de sorcellerie dont les anciens gardent encore le souvenir.
     Enfin, on relate un autre usage étonnant de ces autels de pierre, propre au système ancien de chefferie par grades, dit huqe [hʉkʷə]. Chaque fois qu’un homme initié était intronisé à un grade supérieur, il devait se soumettre à une épreuve de bravoure et d’adresse : juché debout sur le sommet du mégalithe, l’impétrant devenait soudain la cible de flèches acérées tirées par ses compagnons, qu’il devait esquiver sans perdre l’équilibre. S’il survivait à cette cruelle épreuve, le nouveau dignitaire avait fait la preuve de son pouvoir divin – son “mana” – fondement de sa légitimité dans son nouveau statut.

  • Article récent d’A. François, traitant des pierres sacrées (à lire icicf. haut de la page 222).

© Alexandre François (CNRS-Lacito, 17 juillet 2007)

Lieu : Océanie, Vanuatu, îles Torrès, île Toga – Langue : lo-toga

Les fourmis rouges

Les enfants de l’île de Motalava, dans l’archipel du Vanuatu, aiment jouer à la comptine Gin gin i gen “Pincent pincent les fourmis”. Les enfants empilent leurs mains les unes sur les autres, chacune pinçant légèrement celle du dessous : la sensation évoque la morsure des fourmis rouges, dans la forêt. Après le premier couplet de la comptine, la main la plus haute s’aplatit sur celle d’en dessous, laquelle fera de même au couplet suivant – et ainsi de suite, jusqu’à ce que plus aucune main ne soit mordue par une fourmi. À la fin du jeu, tout le monde se lève en riant.

 

© Alexandre François (CNRS-LACITO, décembre 2005)

Lieu : Océanie, Vanuatu, Motalava – Langue : mwotlap

Le profil de l'Ancêtre

Même s’il a été christianisé par les missionnaires depuis cent cinquante ans, l’archipel mélanésien du Vanuatu garde encore la mémoire de ses anciens cultes animistes. Ainsi, la demeure de Franklin Woleg, dans l’île de Motalava, est certes placée sous le signe de Jésus (“Jesus is the head of this home”); mais la véritable figure qui compte, pour cet artiste sculpteur, c’est celle de l’esprit ancestral. Un mot essentiel, en langue mwotlap, est natmat : c’est à la fois le défunt qu’on enterre et l’esprit qui lui survit ; c’est l’Ancêtre que l’on révère et qui nous a tout appris ; c’est l’Esprit bienveillant ou le démon maléfique qui hante les forêts (voir la carte sémantique de natmat, à la page 214 de François 2013). Par métonymie, le même mot natmat désignera toute représentation visuelle d’un Ancêtre, qu’il s’agisse d’une statue, ou d’une coiffe de danse

 

© Alexandre François (CNRS-LACITO, juillet 2003)

Lieu : Océanie, Vanuatu, Îles Banks, Motalava – Langue : mwotlap

En pagayant sur le lagon

Il y a environ 3300 ans – époque de la guerre de Troie en Europe – commença l’une des plus impressionnantes migrations de l’histoire humaine. Les peuples austronésiens, originaires de Taiwan, se sont mis à peupler les îles du vaste Océan Pacifique – depuis l’Indonésie jusqu’à la Nouvelle-Calédonie, Hawaii et l’île de Pâques. Ils traversaient les océans à bord d’imposantes embarcations à voiles, navigant de jour et de nuit, à la lumière des étoiles. C’est ainsi, notamment, que des navigateurs venus du nord-ouest s’installèrent dans les archipels des îles Salomon ou du Vanuatu. Trois mille ans plus tard, les descendants de ces peuples marins sont désormais bien installés dans leurs îles, où ils mêlent les ressources marines aux nourritures terrestres. Les immenses voiliers d’autrefois ont disparu : les voyages au long cours ont désormais lieu dans des bateaux à moteur, ou en avion. S’il subsiste des embarcations traditionnelles, ce sont désormais de plus modestes pirogues à balancier, que chaque famille saura se tailler dans un arbre de l’île. Ces pirogues – ne wake kkë en langue hiw – permettent aux enfants et aux adultes de caboter dans le lagon le long des côtes, en quête du repas du soir.

 

© Alexandre François (CNRS-LACITO, août 2007)

Lieu : Océanie, Vanuatu, Hiw – Langue : hiw

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