Dictionnaire zénaga-français
Le berbère de Mauritanie présenté par racines dans une perspective comparative
Avant-propos d’Abdel Wedoud Ould Cheikh : Les communautés zénagophones aujourd’hui
Le zénaga, parler berbère occidental très méridional, fut – durant une période qui s’est vraisemblablement étendue jusqu’au 17e s – l’idiome dominant du sud-ouest saharien (et cela jusqu’à l’embouchure du fleuve Sénégal, dont le nom a d’ailleurs été rapproché de celui de ce parler). L’arabisation linguistique de cette région, après l’arrivée des tribus Bäni Hassân, a progressivement réduit l’aire d’influence de cette langue dont on ne dénombre plus aujourd’hui que quelques milliers de locuteurs. Localisés dans la région mauritanienne du Trarza, ils sont tous bilingues zénaga/(arabe) hassaniyya.
L’appartenance du zénaga à l’ensemble linguistique berbère ne fait aucun doute, mais il s’agit d’une variété dialectale qui présente de nombreuses particularités, y compris par rapport aux parlers les plus proches géographiquement et linguistiquement (touareg et chleuh). Malgré son statut de langue minorée, menacée dans sa survie même par défaut de transmission intergénérationnelle, ces particularités semblent moins souvent dues à des déperditions et à des emprunts massifs qu’à des conservatismes et des développements innovants.
Le présent ouvrage est le fruit d’une enquête de terrain qui s’est étendue sur plusieurs années, avec un informateur dévoué et compétent. Il s’agit d’un dictionnaire qui intègre l’essentiel des données lexicographiques collectées précédemment (y compris celles de Mukhtar Ould Hamidoun, partiellement – et mal – publiées dans l’ouvrage de Francis Nicolas, en 1953), Il se veut un ouvrage de référence sur le lexique du zénaga, non seulement parce qu’il contient toute une partie du vocabulaire déjà tombée en désuétude, mais aussi parce qu’il en propose une approche scientifique et comparative. L’auteure, qui a commencé par l’étude phonologique et morphosyntaxique de la langue, procède à une analyse grammaticale et sémantique de chaque item et se base ensuite sur des critères linguistiques et historiques pour effectuer un classement par racines.
Cette publication est un ouvrage de recherche dont l’intérêt dépasse de beaucoup celui qu’on peut avoir pour une langue parlée par une petite communauté de locuteurs. Elle s’adresse en priorité aux berbérisants et aux linguistes du domaine chamito-sémitique. Cette contribution à l’inventaire de la langue berbère pourra intéresser également les historiens, sociologues et anthropologues spécialistes du monde arabo-berbère en général et de l’ouest saharien en particulier. Plus largement, on peut espérer que les Mauritaniens y reconnaîtront une part de leur héritage culturel et sauront s’en servir pour se réapproprier leur passé, voire même pour le faire renaître.
Until probably the 17th century Zenaga Berber was the dominant language from the southwest Sahara up to the embouchure of the Senegal river that took its name from this language. After the arrival of the arabophone Bani Hassan tribes, the sphere of influence of Zenaga progressively diminished. Today there are only a few thousand speakers left, all of them living in the Trarza region of Mauritania and all of them Zenaga Berber / Hassaniya Arabic bilinguals.
Zenaga undoubtedly belongs to the Berber language group, but it is a language that shows many particularities, also in comparison to the Berber languages, such as Tashelhiyt and Tuareg, that are geographically and linguistically the closest to it. Zenaga is a minority language and an endangered one, since it lacks intergeneration transmission. The linguistic particularities do not seem to be caused by language loss or massive borrowing, but by archaic retentions and some innovations.
The present book is the result of fieldwork research extended over several years, with one devoted and competent informant. It is basically a dictionary that integrates lexical data collected earlier (including the data of Mukhtar Ould Hamidoun, partly and badly published in the work of Francis Nicolas 1953). It intends to be the lexical reference work for Zenaga Berber, not only because it contains vocabulary items that are already forgotten nowadays, but also because it follows a scientific and comparative approach. After a phonological and morphosyntactic study of Zenaga, the author proceeds to a grammatical and semantic analysis of all the items and to a root classification based on linguistic and historical criteria.
This work is a research tool, surpassing by far a work that one would expect for a language with such a small number of speakers. The book is intended for berberologists and students of Afroasiatic languages. It may also be of interest to historians, sociologists and anthropologists specialised in the Arab-Berber world in general and West Africa in particular. In this book Mauritanians may, hopefully, recognize a part of their cultural heritage. They can use it either to study, or to revive a part of their linguistic past. (résumé éditeur)
TAINE-CHEIKH Catherine, 2008, Dictionnaire zénaga-français. Le berbère de Mauritanie présenté par racines dans une perspective comparative, Köln, Rüdiger Köppe Verlag (Berber Studies 20), XCIV+649 p.
Publié en octobre 2008