Extrait d’un conte langi
Traduction, transcription : Margaret Dunham

 

<> Introduction

 

Au premier rang à gauche : le conteur
(Piriri, Tanzanie, 1996)

Ce conte a été recueilli en juillet 1996, à Piriri, village de la région de Kondoa (Tanzanie), auprès de Pascali Daudi. Le langi est parlé par environ 200 000 locuteurs. Il appartient à la grande famille des langues bantu et est répertorié F33 dans la classification de Guthrie.

Ce récit, qui comporte aussi des parties chantées, relate les aventures de Misiru, fille de Lose. Malgré l’interdiction de ses parents, Misiru va se baigner au point d’eau. Un petit oiseau lui vole ses habits, et n’accepte de les lui rendre que lorsqu’elle épouse Mambeya vaa Waari.
Après que Misiru a mis au monde dix enfants, Mambeya vaa Waari accepte de partir avec la famille pour rendre visite aux parents de sa femme. Or, en chemin, ils décident de se montrer la magie de leur clan respectif. Il en résulte que Mambeya vaa Waari est avalé par un lion et que Misiru est changée en tronc d’arbre. Les enfants partent donc seuls à la recherche de leurs grands-parents, puis finissent par faire libérer leur mère.

Cette histoire met en relief le système de clans chez les Valangi : selon leur littérature orale, suite à une grande famine, les Valangi furent contraints de se disperser, chacun devant alors trouver les moyens de subsister. Chaque moyen de subsistance est à l’origine d’un clan (j’en ai relevé une douzaine). L’appartenance à un clan est transmise par la mère. Misiru appartient au clan de la pluie, Mambeya vaa Waari au clan du lion.

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Symboles et abréviations :

L’alphabet phonétique employé est celui de l’Association Phonétique Internationale, à l’exception de [y] qui représente la semi-consonne palatale (transcrite [j] dans l’API).
Les chiffres renvoient aux classes nominales (sauf 1sg, 1pl, etc.).

– = frontière morphologique
1pl = 1ère personne du pluriel
1sg = 1ère personne du singulier
adv = adverbe
acc = accompli
appl = extension de l’applicatif
ass = extension de l’associatif
aux = auxiliaire
caus = extension du causatif
conn = connectif
cop = copule
déict = démonstratif déictique
dém.p = démonstratif de proximité
dém.é = démonstratif d’éloignement
dét = déterminatif
imp = impératif
inacc = inaccompli actuel
inf = infinitif
interro = interrogatif
loc = suffixe locatif
N = nasale homorganique
narr = narratif
nég = négatif
obj = marque d’objet
pass = extension du passif
pd = préfixe de dépendance
perf = perfectif
pers = personnel autonome
pfx = préfixe
pn = préfixe indépendant
poss = possessif
pv = préfixe verbal
RAD = radical verbal
réc = marque du réciproque
réf = démonstratif référentiel
rel = relatif
réver = extension du réversif
sfx = suffixe
stat = extension du statif
subj = subjonctif
sw = swahili
V = voyelle

 

Extrait conte (© Margaret Dunham)


  1. ahɔ kalɛ kɔɔvidʒa kwatɛɛtɛ mʊntʊ aasɛwaa misiru ɔkɔ lɔsɛ
ahɔ
a
pd16-réf16
kalɛ
kalɛ
pn9-autrefois
kɔɔvidʒa
aviidʒa
pv17-acc-vi-aux-sfx
kwatɛɛtɛ
atɛtirɛ
pv17-acc-avoir-perf
mʊntʊ
ntʊ
pn1-personne
asɛwaa
aauaa
pv1-acc-dire-pass-hab-sfx
misiru
misiru
Misiru
ɔkɔ
ɔkɔ
fille de
lɔsɛ
lɔsɛ
Lose
Il était une fois une personne appelée Misiru fille de Lose.

 

 

<> Notes

Le texte présente plusieurs caractéristiques qui illustrent la complexité linguistique de la région de Kondoa. Cette partie de l’Afrique est la seule où se côtoient encore les quatre familles linguistiques du continent : bantu, couchitique, nilotique et khoisan.

Par exemple, le temps futur s’exprime par une structure à ma connaissance unique dans les langues bantu, mais très proche de la forme verbale rencontrée dans les langues couchitiques (voir les phrases 172, 174 et 181).

La place du démonstratif en langi est, elle aussi, inhabituelle. La construction neutre (sans emphase) est : déterminant (démonstratif)-déterminé (nom), alors que dans la plupart des langues bantu de l’est, la place non marquée du démonstratif est à la suite du nom (voir par exemple les phrases 6, 7 et 34).

Dans la phrase 21, nous voyons un exemple de l’interférence du swahili. Le swahili, langue officielle de Tanzanie, est parlé par la grande majorité de la population. C’est dans cette langue que l’enseignement est dispensé, aussi est-elle utilisée par la plupart des enfants lorsqu’ils parlent entre eux.

Référence

DUNHAM, Margaret, 2001, Description ethnolinguistique des Valangi, Thèse de Doctorat, Univ.Paris III.

Mise à jour le 31 mai 2023

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