Captations Séminaires & Vidéos

 

Premières vidéos déposées sur   

L’Himalaya à l’épreuve de l’expérience ethnographique.
Table-ronde sur l’anthropologie de l’Himalaya.

2012-07-03

Plurilinguisme et tensions identitaires :
discours, représentations et médiations.

Journée d’étude, Matinée

2018-05-24

Vidéos diffusées ​selon différentes thématiques sur    :
films, colloques et exposés

 

Chercheur(e) à l’ouvrage :

EVANGELIA ADAMOU, « THE ADAPTIVE BILINGUAL MIND »



Production : CNRS
Réalisation : Céline Ferlita
Intervenant : Evangelia Adamou

Descriptif :
Les études sur le bilinguisme ont connu un vigoureux essor durant les vingt dernières années, donnant toute sa place à ce phénomène fréquent à travers les sociétés humaines. Or, ces travaux se sont surtout développés en s’appuyant sur des langues de grande diffusion comme l’anglais et sur des contextes de bilinguisme peu intense. Dans ce livre, je démontre que les méthodes expérimentales pratiquées dans le champ du bilinguisme peuvent aussi être appliquées avec succès sur des langues en danger et que, en retour, les données provenant de populations peu étudiées offrent de nouvelles perspectives sur les capacités d’adaptation de l’esprit bilingue. Je montre notamment comment les bilingues précoces vivant dans des communautés bilingues gèrent des conceptualisations concurrentes du temps et de l’espace, comment leurs grammaires et leur manière d’utiliser les deux langues s’adaptent à des contraintes cognitives telles que le besoin de simplification, et comment, simultanément, le traitement du langage s’adapte à leur expérience bilingue complexe.

Evangelia Adamou. CNRS – Service audiovisuel d'ARDIS (UAR2259). (2022, 11 avril). Evangelia Adamou, « The Adaptive Bilingual Mind ». [Vidéo]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/115843. (Consultée le 7 juin 2023)

Vie des laboratoires :

JACQUELINE M.C.THOMAS, UNE VIE CONSACRÉE À LA RECHERCHE AU LACITO © CNRS 2016



Production : Culture, Langues, Textes / LACITO
Réalisation : Franck Guillemain, en collaboration avec Isabelle Leblic

Le LACITO ne pouvait fêter ses quarante ans sans témoigner de l’importance considérable de Jacqueline M.C.Thomas, ethnolinguiste et fondatrice du laboratoire.
Isabelle Leblic et Lameen Souag, membres du LACITO, accompagnés de l'équipe du service audiovisuel de l'UPS 2259, sont allés à sa rencontre.

« L'étude linguistique n'a de sens que fondée sur une connaissance très poussée de la culture où elle se situe" de même que "l'étude d'une société exige une parfaite maîtrise de la langue qu'elle pratique. »
Jacqueline M.C. Thomas

Conférences :

CNRS – VIDÉO SUR LE TERRAIN : UN PROJET CONJOINT DE DOCUMENTATION LINGUISTIQUE ET DE FILM DOCUMENTAIRE FRANCK GUILLEMAIN ET ALEXIS MICHAUD



Dans le cadre du Séminaire du LACITO "Terrains, analyse et comparaison des langues"
Mercredi 20 mars 2019
Production : CNRS / LACITO / ARDIS

"INTONATION DANS LES LANGUES À TONS AFRICAINES" ANNIE RIALLAND - LABORATOIRE DE PHONÉTIQUE ET PHONOLOGIE, CNRS/SORBONNE-PARIS CITÉ, PARIS



Dans le cadre du séminaire ​​Terrains, analyse et comparaison des langues (TACoL) "Intonation dans les langues à tons africaines" Annie Rialland
Jeudi 25 janvier 2018 - Centre Haudricourt, 7 rue Guy Môquet,​​ 94800 Villejuif

CHRISITANE PILOT-RAICHOOR ET SAMIA NAÏM, "LES RELATIONS SPATIALES"



Ecole thématique du laboratoire du LACITO à Roscoff
"Méthodes en linguisitque, des données empiriques aux hypothèses typologiques"
Du 7 au 12 juillet 2014, Station biologique de Roscoff

  • Film documentaire :

A L'ÉCOUTE DES NA DE YONGNING



Sur les contreforts de l’Himalaya se trouve la plaine de Yongning, dont le nom local est « plaine Centrale » : lieu de la culture na.

Alexis Michaud, linguiste au CNRS, étudie la langue Na depuis plus de 10 ans. Il a été accueilli année après année par nombre de membres de la famille de Tashi, anthropologue et linguiste spécialiste de la culture Na.
En 2018, il revient au village poursuivre son travail dans la maison de Kizo, belle-fille d'Ama, mère de Tashi.

 

L’ensemble des vidéos du LACITO déposées sur la chaîne Canal U du service audiovisuel de l’UPS 2259 UAR ARDIS sont consultables ici.

Afaneciya - Cycle agraire et musical en pays ouldémé

en super 8mm, coul., sonore, 1h 45mn, 1986, coproduction CNRS-Audiovisuel, Lacito et V. de Colombel 

Séquences extraites du film de Véronique de Colombel
(scénario en pdf (2,2 Mo) ;
extraction des séquences avec l'aide du service audiovisuel de l'unité propre de service "Appui à la Recherche et Diffusion des Savoirs"- UAR 2259

Les conditions du tournage

   Les images présentées ici n'ont bénéficié d'aucune technique moderne ou professionnelle de prises de vue. Merci d'en excuser les imperfections, ainsi que les souffrances des bandes dues à la chaleur.
   Le film a été tourné, en très peu de bobines, sur le vif, de mai 1977 à mai 1978, par moi-même, avec une petite caméra Super 8 muette, au poing, achetée avant le départ, un mini-magnétophone Sony à l'aisselle et une méthode de prise de vues à lire pour les moments de repos. La séquence n°9 date de 1982 avec la reconstitution de l'écriture, en langue ouldémé, d'une lettre qui m'avait été envoyée en France en 1981.
   Partie de juin 1975 à juin 1979, dans ces montagnes "perdues", je n'ai pas eu, techniquement, la possibilité de regarder, sur le terrain, le résultat des prises d'images, expédiées en France au gré des bonnes volontés, afin de les protéger de la chaleur locale. Il m'a donc fallu travailler à l'aveuglette et compter ainsi sur mon imagination, ma mémoire et mes notes.
   Les conditions de tournage ont bénéficié de deux ans de familiarisation avec les montagnards et plus particulièrement avec une famille, de deux ans d'observations, de pratique de la langue, de formation d'une équipe de travail, d'informations ou d'acquisition de connaissances linguistiques et anthropologiques. En effet, les difficultés techniques ont exigé une organisation mentale préalable de la prise de vue. C'était le seul moyen de prendre, sur le vif, l'essentiel, qui n'est jamais à première vue évident et cela sans gêner quiconque : « La photo peut manger ton âme », expression étrange qui s'éclaire si l'on sait que la photo peut être utilisée pour la moquerie ou le mépris, cf. séquence n°9 ; d'un autre point de vue, penser que les autres sont superstitieux est bien souvent une réaction face à une expression non comprise. Lors des prises de vue, des réflexions amusées et fines sur mon travail n'ont pas été traduites et c'était un choix de ma part.
   Ce défrichage de "terrain" a servi par la suite à d'autres : à l'analyse scientifique de la technique d'expression musicale par Nathalie Fernando (thèse en 1999) et à la réalisation récente (2011) d'un film professionnel hollandais par Miranda Van der Spek.

La musique des Ouldémés

   Chez les Ouldémés, il existe un calendrier musical strict, marquant les saisons et les travaux des champs, qui repose sur une conception fondamentale : l'association des âges de la vie humaine et amoureuse au rythme de la croissance des végétaux ; et parallèlement le lien de la fertilité des sols et de l'abondance des récoltes avec la fécondité de la femme et l'importance de la descendance.
   La musique, premier langage de l'homme, affirme cette harmonie avec la nature, l'encourage en accroissant les forces vitales et leurs effets fécondants.
   De ce fait, elle a un rôle prépondérant sur le renouvellement de la vie qui met en jeu l'intervention des quatre éléments : eau, feu, terre, air. L'expression de l'enchaînement de ces notions est plus subtile qu'il n'y paraît. Elle ne se limite pas à un symbolisme grossier. Elle relève d'une réflexion tirée d'une fine observation du fonctionnement de notre organisme dans sa totalité, corps et "âme", au sein de leur environnement naturel ; cette observation est faite de l'intérieur, sans découpages artificiels (cf. Colombel 1997, 4.1). L'harmonie entre l'homme et l'univers y est considérée comme essentielle et indispensable. Sa visée donne sens à la vie (cf. Colombel 1990:206-207 et séquence n°9).

 


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1. Flûte ázīwīlī, semailles et conception d'un enfant


   Dès les premières pluies et pendant toutes les semailles, chaque nuit, les jeunes gens jouent de la flûte ázīwīlī, qui sera interdite au binage. C'est une flûte de Pan partagée entre neuf musiciens, utilisant chacun un tuyau de taille différente. À embouchure simple et extrémité bloquée, elle est tenue verticalement (Colombel 1990:190 & 195). Les joueurs utilisent neuf formules qui s'imbriquent en hoquet et semblent se disperser sur les divers flancs de la montagne. Ce jeu nocturne, invisible pour les yeux et pour le "Super 8", rappelle qu'il est des semailles nocturnes à suggérer.
   Pour semer dans son champ, cette fois à la lumière du soleil, Afaneciya remplit une gourde de calebasse avec des semences de mil. En bouchant et débouchant alternativement le goulot avec le pouce, elle projette quelques graines au sol. Aucune anfractuosité de rocher, contenant un tant soit peu de terre, ne sera oubliée.
   C'est à la fin de cette époque des semailles, en l'année 1977, que petit Issa, le sixième enfant d'Afaneciya fut conçu. Cette correspondance est jugée de bon augure pour la vie de l'enfant.


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2. Flûte ázèlèŋ, binage des champs et croissance du mil, appel des fiancés par les jeunes filles


   Azèlèŋ, une flûte en roseau, de type Pan, à embouchure simple et extrémité bloquée, est tenue verticalement (Colombel 1990:190 & 202-203). Elle est jouée par groupes de trois jeunes filles, chacune se servant de deux tuyaux de tailles différentes, l'ensemble utilisant ainsi six niveaux sonores, qui restent en nombre pair (dit féminin). Pour chacune s'y ajoute un son vocal également de hauteur différente qui fait passer chaque ensemble de joueuses à un nombre impair (dit masculin). Ce son est l'appel des fiancés. Flûte de la croissance du mil jusqu'à sa maturité, elle est interdite dès la coupe du mil. Elle est absente des fêtes. Quand les jeunes gens vont cultiver les champs des futures belles-familles, ils jouent de tālákwày en route. Les jeunes filles leur répondent avec ázèlèŋ. Elles en jouent sur les chemins qui mènent aux champs, sur ceux qu'elles empruntent pour aller chercher de l'eau à boire aux fiancés et, aussi, au repos sous un arbre, pour se rappeler à eux.


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3. Flûte tālákwày, binage des champs et fête des récoltes, conclusion des fiançailles


   La flûte tālákwày, de type traversière, est en écorce. C'est la seule à avoir les deux extrémités libres et quatre trous de jeu. Son ouverture est simple et sa position de jeu horizontale ou oblique. Trois tailles sont utilisées pour être jouées par trois musiciens ayant chacun sa formule. Elle peut aussi se jouer de façon isolée. Des chants l'accompagnent, lors de la fête des récoltes (Colombel 1990:191, 197 & 202-203).
   C'est la flûte du cycle complet du mil, depuis le premier binage jusqu'au battage et ensilage. C'est aussi la flûte de la conclusion des fiançailles, après que les jeunes gens et les jeunes filles aient pu se retrouver, dissimulés dans les mils, pour goûter ensemble les premiers épis sucrés et encore laiteux. Avant la coupe du mil, avec àzèlèŋ, elle suit la période des récoltes d'abord du gombo, du tabac et du maïs, puis des haricots, des arachides, du souchet, du sésame, des pois de terre, de l'éleusine, l'oseille et la courge. Après la coupe, elle atteint seule l'ensilage, précédé par la taille des épis à déposer dans un enclos de pierre pour attendre le battage. Cette époque des récoltes est une période de relative abondance où l'on profite de produits frais et où l'on échappe à la quotidienne boule de mil, tant pour les repas que pour les possibilités de grappillage. C'est aussi l'époque de la rentrée scolaire qui tient l'écolier à l'écart de ces réjouissances de l'âge des amours et aussi des travaux. C'est pour cette raison que l'enfant Déléméché a fait remarquer que lui également travaillait et qu'il fallait donc filmer, aussi, son travail (sans entrer dans la classe !).


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4. La flûte de saison sèche dènènà, battage et vannage, célébration de la fertilité et de la fécondité


   La flûte dènènà, instrument de saison sèche, est utilisée par les jeunes gens depuis la maturité du mil jusqu'au débroussage préparant les nouvelles cultures. Son timbre aigu et strident, vif et sec, comme le cri du grillon est très présent aux époques de la coupe du mil, du battage et de l'ensilage. Taillée dans du bois en forme de cône coupé à l'extrémité, elle est de petite taille et a une extrémité fermée, une embouchure en biseau et trois trous de jeu. Elle se tient verticalement (Colombel 1990:191, 197 & 202).
    Au son de cette flûte, notre vanneuse Afaneciya, prête à récolter le fruit de sa conception datant des semailles, réjouit ostensiblement l'équipe des travailleuses venues pour un vannage collectif, à qui elle offre le spectacle prometteur d'une conjonction heureuse de l'harmonie avec la nature. Le plaisir était dans les yeux de toutes devant le gracieux corps nu de cette femme enceinte, juchée sur sa pierre, en train de grossir au gré du vent un tas de graines de mil. Jeunes filles et jeunes femmes s'empressant autour d'elle, la complimentaient. L'atmosphère était comparable à celle qui règne autour de nos mariées tout en blanc, reines de la fête. Ici, dans un système de valeur différent, le mari restait penché ou assis, nu, sur son tas de mil qu'il rassemblait avec une joie évidente.
    Avant d'entreprendre l'ensilage de la fin de la journée, le chef de famille célèbrait, par un rituel, fertilité et abondance associées à fécondité et descendance : « Esprit de l'abondance et de la fécondité, soyez bienveillants à notre égard… Que notre mil soit abondant et que nos enfants nous donnent beaucoup de descendants ». (cf. Scénario p. 35)


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5. Tambours de la fête du temps nouveau, conclusion des mariages, offrandes de remerciement


Il existe deux tambours réservés à la fête du temps nouveau et à ses répétitions (Colombel 1990:188-189 &199). Gwàndàrə̀yà, taillé dans le bois en forme de tonneau à paroi droite ou dans une calebasse à paroi incurvée, possède une double membrane en peau bien rasée. Il est tenu en bandoulière sur le ventre par les hommes et joué avec une baguette de percussion ou avec la main, en groupe de trois de tailles différentes. Déwə́dèwə̀, également en bois a une forme de sablier et ne possède qu'une membrane sur la petite ouverture. Son jeu, également exercé en ensemble de trois, ajoute les nuances provenant d'une pression de lanières sous l'aisselle qui fait varier la tension de la peau.
   Cette fête importante est préparée pendant plusieurs semaines, non seulement pour les réjouissances, mais aussi par des rituels et des sacrifices nombreux, auprès des rochers habités par l'âme des ancêtres, et par des réunions de la hiérarchie des ainés qui font autorité sur les villages. Le reste de la population s'organise en cortège de danse, par clan, pour aller danser de village en village, de maison en maison, pour renouer les alliances matrimoniales, pour surtout fêter les nouvelles femmes et ensuite encourager de futures fiançailles. Pendant dix jours et dix nuits de danse, chacun selon son âge y chante ses états d'âme, ses amours, les événements et les querelles des villages (cf. Scénario p. 40-45). Même les bébés seront initiés aux rythmes musicaux dans le dos d'un adulte. Les enfants, de fatigue, s'endorment sur place.
   En famille, des offrandes de remerciement sont offertes à l'entité Māláfə̀tə̀ « parole d'en haut » (Verbe), qui représente les lois, le droit, la morale qui régissent les conduites humaines. Tchédeffa dit : « Voici mon offrande d'eau et de farine. Garde bien ma maison. Donne-moi les vraies richesses et non les mauvaises. Si tu me donne la nourriture sans les enfants, ce n'est rien. Donne-moi donc des descendants… Si quelqu'un nous voulait du mal, il faudrait que tu lui parles. Moi, je ne peux rien dire aux gens de la terre ». (cf. Scénario p. 39).


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6. Flûte āmbə́ləŋ gwàrà, famine de saison sèche, préludes à la vie végétale et amoureuse


   En terre cuite, de forme phallique, à embouchure en biseau et à trois trous de jeu localisés dans l'extrémité fermée, dite « tête de pénis » ou « gland » (ɣàr màmàŋ), cette flûte, façonnée en même temps que la poterie, est tenue verticalement. Son jeu complet est exécuté par trois adolescents. Elle n'est pas connue dans les groupes ethniques voisins des Ouldémés (Colombel 1990:189, 195 & 207).
   Réalisée fréquemment en duo au puits, sur le chemin, sur un rocher, elle est accompagnée d'un chant dont les paroles "vous trottent dans la tête", mais ne sont jamais prononcées. Chacun les connait : elles sont le langage de la flûte exprimant les préludes à la vie végétale et amoureuse. Son nom ne peut-il pas être décomposé et traduit par « elle fait revivre le bélier » avec une allusion certaine au géniteur et aussi au bélier de la pluie légendaire, également à l'époque qui précède les premières pluies? C'est à cette époque encore sèche qu'une remontée de sève provoque une sortie de bourgeons et de pousses, comme un élan de vie, avant la venue fécondante de la pluie. C'est aussi à cette époque que le grenier est scellé pour garder de la nourriture pour le début des rudes travaux des champs. En accord avec la nature, le chant de cette flûte fait dire à un jeune homme : « Moi, sans fiancée, qui va m'apporter aux champs de quoi manger ? C'est la famine du grenier scellé. Et ma verge commence à s'échauffer… Quelle femme m'apportera à boire ?... Qui me donnera une femme… ? ». (cf. Scénario, p. 47)


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7. Harpe de saison sèche kwərndə̀, joie et naissance de bon augure, divination


   C'est une harpe à cinq cordes, avec une caisse de résonnance en bois, couverte d'une peau de chèvre ou de daman des rochers. Elle est jouée par les hommes, de la coupe du mil aux semailles, comme la flûte dènènà, à l'occasion de sérénades où elle est souvent accompagnée de chants (Colombel 1990:193 & 198). Son nombre de base est aussi trois, mais elle se pratique fréquemment seule, dans l'ambiance joyeuse ou nostalgique de bien des activités de la saison sèche. Ici, elle accompagne spontanément une divination et est jouée par le fils du grand prêtre et devin, créant une atmosphère feutrée de discrétion, comme si elle était chargée de faire évaporer (telle l'eau-parole, Colombel 1997) la lourdeur des propos pour tous ceux qui seraient capables de la capter.
   La naissance de bon augure du nouveau-né Issa, qui est étroitement liée à la croissance végétale, ne suffit pas à lui assurer un développement sans soucis pour ses parents qui iront de devin-guérisseurs à grand-prêtre, tant la vie d'un jeune enfant est précaire en pays ouldémé. Dans le cas présent, seuls les rituels ont été filmés. La confection des remèdes avec des plantes et leur administration sont restés dans l'ombre. Ils sont pourtant fréquents et plus précis qu'on ne l'imagine. Le premier devin-guérisseur, qui n'est plus de ce monde, a été formé en allant en brousse depuis l'âge de quatre ans avec son père qui l'obligeait à réviser régulièrement sa connaissance des plantes. À l'âge de l'initiation, il fut obligé de goûter les plantes et les breuvages pour observer leur effet sur lui-même. Jeune homme, il a fait des "stages" chez des spécialistes d'autres clans et d'autres ethnies. Il connaissait, pour sa pratique, plus de 700 espèces, quand un père de famille ou une grand-mère en connaissait déjà plus de 200. Les nouvelles générations scolarisées n'ont plus ces connaissances.


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8. Musique gwàlàgwàlà, funérailles de vainqueur, anniversaires des décès de l'année


   Les instruments de musique utilisés pour les funérailles sont tous les mêmes, d'abord le sifflet particulier de la mort, puis un tambour àtìm couvert d'une peau spécialement peu rasée, la trompe traversière et les sonnailles utilisées pour toutes les danses.
   La fin de la saison sèche est une époque de funérailles, car on y reporte celles des morts de la saison des pluies précédentes. En cette fin de saison sèche 1978, Afanéciya alla pleurer la disparition d'un vieux parent à Gwendele. La mort d'un jeune enfant, tel que petit Issa, serait contre nature, et d'une douleur violente et intime, sans grandes funérailles. Elle, la mère, se roulerait désespérément à terre. Mais celle d'un vieux vieillard, et qui plus est d'un vieux vainqueur, est joyeuse. Elle donne lieu à de grandes funérailles avec simulacre de combat au son d'une musique spéciale, dite gwàlàgwàlà.
    Après cette période de fin de cycle agraire où sont fêtés les morts, le cycle agraire et musical recommencera avec de nouvelles semences.



9. Lettre d'un enfant, vie nouvelle et tradition, perte d'identité et statut social


   « ... Si je vais à l'école, j'apprends les mots et les histoires des Blancs... prix d'achat… prix de vente… prix de revient… Et mon corps, sur un banc, devient fatigué et paresseux pour les travaux des champs. Et puis j'oublie le langage de la montagne, le chant de la flûte qui me parle du mil mûr et de la grande Fréonwa qui doit partir en mariage... ; les paroles des vieux qui parlent des ancêtres et vous disent les dangers de la vie...
   J'irai me perdre en ville pour qu'on me dise que je suis un fils de chien, que mon père et ma mère nus ne sont rien. J'irai jouer au vantard avec des habits. J'irai me faire prendre par le mensonge des gens, et j'irai faire le serviteur chez un riche qui a la voiture. Qu'est-ce que cela vaut ? Je mangerai les restes de leur bonne nourriture. Qu'est-ce que je m'en fiche qu'elle soit "bonne", si ce ne sont que des restes. Comme le cousin Ndékouetch, il ne me restera plus qu'à boire la bière de mil pour oublier que je ne suis plus une vraie personne… Petit Issa, lui, n'ira pas à l'école ! » (cf. Scénario, p.51 et Colombel et Lebarbier (eds) 2008:311-313).
   Trente ans ont passé depuis cette lettre. Il est des scènes, des pratiques, des rituels et des fêtes du film qu'on ne reverra jamais plus. La musique de l'enterrement du vainqueur n'a plus été rejouée. La connaissance des plantes n'a pas été enseignée à l'école. Et les jeunes, qui constatent un peu tard que, pour soigner leurs enfants, les médicaments des blancs coûtent beaucoup trop cher, font savoir qu'ils aimeraient que la boîte de fiches de Vernek [=Véronique] devienne un livre. Il manquera, malheureusement, la pratique essentielle du dosage, que l'on apprend au quotidien avec l'aîné.

 

Références bibliographiques


— 1986, Afaneciya - Cycle agraire et musical en pays ouldémé, film en Super 8, coul., sonorisé, 1h45mn, coproduction CNRS-Audiovisuel, Lacito et V. de Colombel.
— 1986, Scenario du film Afaneciya, document de 58 p. (en pdf ici)
— 1986, Musique ouldémé, Paris, Lacito-Peeters, cassette, 90 mn, dépliant 8 p.
— 1990, Instruments de musique et relations interethniques dans les monts du Mandara, in D. Barreteau et H. Tourneux (eds), Relations interethniques et culture matérielle dans le bassin du lac Tchad, Paris, ORSTOM (Colloques et séminaires), p. 183-211. (pdf)
— 1997, L'eau dans les monts du Mandara, in H. Jungraithmayr, D. Barreteau & U. Seibert (eds.), L'homme et l'eau dans le bassin du lac Tchad, Paris, ORSTOM (Colloques et Séminaires), p. 315-336. (pdf)
— 2008 (avec M. Lebarbier), Un refus de perte d’identité : le témoignage d’un enfant ouldémé, in V. de Colombel & M. Lebarbier (sous la dir.), Étapes de la vie et tradition orale. Conceptions universelles et expressions particulières, Paris, Peeters (Selaf 450 – Numéros spéciaux 34), p. 311-313.