Langues d’Afrique
et du Moyen-Orient
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Du point de vue linguistique et anthropologique, l’Afrique et le Moyen-Orient sont étroitement liés. Les langues de la plus grande partie du Moyen-Orient appartiennent à un phylum principalement africain, et la majorité des langues de l’Afrique sub-saharienne portent les traces de leurs contacts avec l’arabe et d’autres langues du nord. Nous avons donc opté pour présenter les langues des deux régions ensemble plutôt que de nous inscrire dans la division traditionnelle des continents – d’autant que nos recherches transgressent souvent cette division.
Actuellement, les recherches menées en Afrique et au Moyen-Orient portent notamment sur le phylum chamito-sémitique / afro-asiatique, et plus particulièrement sur les langues sémitiques (arabe, araméen) et le berbère. Ce phylum couvre une grande partie de l’Afrique et la majeure partie du Moyen-Orient. Il comprend cinq grandes familles : le sémitique (arabe, hébreu, amharique…), le berbère en Afrique du Nord, l’égyptien ancien – qui n’est plus parlé, le tchadique en Afrique de l’Ouest (haoussa, ouldémé…), le couchitique dans la Corne de l’Afrique (somali, oromo) et l’omotique en Ethiopie, dont l’affiliation n’est toujours pas tranchée. Ces langues sont pour une bonne part minoritaires et encore peu décrites. Les langues majoritaires témoignent d’une grande diversité dialectale qu’il est nécessaire de décrire pour comprendre les mécanismes qui sous-tendent la variation, l’apport de la dialectologie à la typologie n’étant plus à démontrer.
D’autres phylums sont représentés dans la région : au nord du Moyen-Orient, on trouve l’indo-européen et le turc ; en Afrique, le grand phylum niger-congolais, qui s’étend du Sénégal jusqu’à l’Afrique du Sud, à côté de plusieurs autres familles souvent regroupées sous le phylum controversé “nilo-saharien” et le phylum obsolète “khoisan”. Nos chercheurs s’intéressent notamment aux familles songhay et gur. Le songhay est considérée par certains comme une branche du nilo-saharien, par d’autres comme un isolat. Cette famille est concentrée autour du fleuve Niger, mais certains dialectes de cette famille sont parlés à des milliers de kilomètres de distance. Le gur est une branche du phylum niger-congolais, qui comprend une soixantaine de langues parlées autour du Burkina Faso, juste au sud de l’aire du songhay. Par ailleurs, plusieurs de nos doctorants poursuivent des recherches sur des langues niger-congolaises, surtout en Afrique de l’Ouest.
Fig. – Les langues d’Afrique étudiées au LACITO
(détail de la carte générale du LACITO et explication de la couleur des épingles)
Depuis la fondation du LACITO en 1976, nos chercheurs ont étudié un large éventail de langues africaines et moyen-orientaux. Plusieurs de nos anciens membres restent très actifs bien que retraités – le dernier volume de l’Encyclopédie aka – un projet initié par notre unité en 1983, est paru en 2014. Leurs recherches ont porté notamment sur les familles :
— bantu : L. Bouquiaux (birom), M. Dunham (langi), G. Guarisma (bafia), F. Leguennec-Coppens (swahili), J. Leroy (mankon), C. Paulian (koukouya), M.F Rombi (grand-comorien, mahorais), J. M.C. Thomas (aka)
— gur : S. K. Kaboré (mooré)
— oubangien : L. Bouquiaux (sango), J. M.C. Thomas (ngbaka)
— soudanique central : †J.-P. Caprile (mbay)
— tchadiques : V. de Colombel (ouldémé), †J.-P. Caprile (mokilko, gabri et toumak)
— arabe : †F. Quinsat (arabes classique et maghrebin).
Les langues afro-asiatiques / chamito-sémitiques
(d’après la carte “Les langues dans le monde ancien et moderne : Les langues chamito-sémitiques”, D. Cohen, ed.)
Présentation
Description des langues
La description des langues peu connues ou mal documentées est indispensable pour toutes approches historique, comparative, ou typologique. La diffusion de la scolarisation et les grands mouvements d’urbanisation ont été et sont toujours à la source de la disparition de plusieurs langues d’une part, de la standardisation de plusieurs autres d’autre part. La description de ces langues est donc urgente.. Nos chercheurs s’y appliquent en rédigeant des monographies et des dictionnaires, et en dirigeant des thèses.
Sociolinguistique et contact
Une langue s’inscrit nécessairement dans un milieu social, anthropologique et écologique. La prise en compte de ces différents paramètres est indispensable non seulement pour l’étude de la variation (phonologique, morphologique, lexicale…) mais aussi pour comprendre les relations entre langue et identité, ou pour analyser les champs sémantiques spécialisés. Elle est encore plus importante pour expliquer la distribution des langues, qui résulte souvent des grandes expansions de langues dominantes qui sont régulièrement à l’origine du renouvellement de la carte linguistique du monde.
En Afrique et au Moyen-Orient, c’est surtout l’arabe qui a connu et connaît encore une grande expansion. De ce fait, certaines de ses variétés, tout comme de nombreuses langues chamito-sémitiques ou autres, présentent des particularités linguistiques importantes – structurelles ou lexicales – qui trouvent leur origine dans des situations de contact. Et l’arabe n’est que le dernier de toute une série d’expansions plus ou moins localisées – l’araméen au Proche-Orient, le berbère au Sahara, le mandé et le songhay en Afrique de l’Ouest… Pour comprendre l’histoire linguistique de la région, l’étude des contacts est indispensable.
Au Lacito, nous nous intéressons notamment aux effets des contacts entre arabe, araméen et sud-arabique d’une part, arabe, berbère et songhay d’autre part.
Typologie linguistique
L’étude des langues de l’Afrique et du Moyen-Orient est riche en données présentant un intérêt pour les études typologiques. Dans cette perspective, nous avons mené à bien et publié différents travaux sur des questions de syntaxe (expression du réfléchi, structure de la coordination et de la dépendance, valence verbale, marquage différentiel de l’objet…), de morphosyntaxe (temps, aspect, modalité, phénomène de grammaticalisation…), de sémantique et de phonologie. Parmi les thèmes abordés, la question du rapport du temps à l’espace a fait l’objet d’une recherche commune qui a regroupé des spécialistes de différentes langues.
Littérature orale et anthropologie linguistique
Les chercheurs du Lacito et, en particulier, les africanistes (depuis J. M.C. Thomas et L. Bouquiaux), se sont impliqués dans la réflexion en anthropologie linguistique et en ethnolinguistique. Avant qu’elle ne devienne une opération transversale ouverte à toute aire culturelle, ce sont des chercheurs africanistes qui ont été à l’initiative de l’opération de recherche consacrée aux « Rhétoriques », qui s’est poursuivie dans diverses thématiques jusqu’aux « Jeux de langage » qui occuperont le prochain quinquennal. La production dans ce domaine est importante depuis 1976, tant en anthropologie linguistique que sur les arts de la parole et la littérature orale.
Corpus archivés et recueil de données
Les corpus que nous recueillons sur nos terrains viennent enrichir les archives sonores du site Pangloss du LACITO :
Corpus ouldémé, par Véronique de Colombel.
Corpus arabe yéménite, par Samia Naïm.
Corpus langi, par Margaret Dunham.
Corpus mankon, par Jacqueline Leroy.
Corpus maorais, par Marie-Françoise Rombi.
Corpus mbugwe, par Margaret Dunham.
Corpus nyilamba, par Margaret Dunham.
Corpus grand-comorien, par Marie-Françoise Rombi.
Corpus siwi, par Lameen Souag.
Corpus boomu, par Cécile Leguy
Diffusion des connaissances
- Colloques et journées d’étude
– Journée d’étude internationale : Le berbère dans une perspective typologique, 26 octobre 2012 (Villejuif, France), organisé par C. Taine-Cheikh et C. Lux
– Base Articulatoire Arrière (BAA), colloque international, 2-4 mai 2012 (Paris, France), organisé par S. Naïm (Lacito) & J.-L. Léonard (LPP)
– Aires linguistiques, 30 septembre 2011 (Paris, France), organisé par E. Adamou, Y. Matras et C. Taine-Cheikh
– Population et changement linguistique, 26 mars 2010, Villejuif (France), organisé par E. Adamou, F. Jacquesson et C. Taine-Cheikh
– Déserts. Y a-t-il des corrélations entre l’écosystème et le changement linguistique ?, 19 octobre 2009, Villejuif (France), organisé par C. Taine-Cheikh, E. Adamou et F. Jacquesson
– Itinéraires, dynamique des repères spatiaux et temporels, octobre 2003, Villejuif (France), organisé par S. Naïm
– Espace, langue et cognition, colloque international, 2001, Villejuif, organisé par J.-P. Desclés (Paris 4) et S. Naïm
- Enseignements
Paris 3 Sorbonne nouvelle
– « Méthodes de collecte des données dialectales, linguistique de terrain » (LYM05), M1-M2 de Linguistique, ILPGA. — 2013-2014 (I. Bril & S. Naïm)
Inalco
– Arabe Maghrébin, L3 « Hassaniyya (Langue et littérature) » – 2012-2017 (C. Taine-Cheikh)
Paris 4 Sorbonne
– « Typologie et diversité des langues: phonologie et syntaxe (dialectes arabes modernes) », M1-M2 (CM), UFR de Langue française — 2003-2007 (S. Naïm)
– « Structures et systèmes de quelques langues naturelles », L (CM), UFR de Langue française
2006-2009 : initiation au zénaga (langue berbère) (C. Taine-Cheikh)
2007-2008 : Le cas des langues tchadiques (V. de Colombel)
Université de Lille 3
– « Linguistique arabe » — 2006-2008 (F. Quinsat)
- Thèses en cours
– ISSAIENE Fatima Zahra, Littérature orale du Maroc. Analyse ethnolinguistique des énigmes, dir. F. Guérin, Paris IV.
– SAÏED Abdessalem, L’expression de la comparaison en arabe formel ou non formel (tunisien), dir. F. Guérin, Paris IV.
– WAIGI Sarah, Études linguistiques en langue kikuyu (Kenya), dir. A. François, Paris III.
- Thèses soutenues
– AL-MAQTARI Mona, Etude contrastive des préposition « à » et « de » en français (oral et écrit) et leurs équivalents en arabe standard et dialectal yéménite, dir. C. Taine-Cheikh, Paris III.
– BOUKARY Boro, La littérature orale des Samo du Burkina Faso : essai d’identification des genres oraux, contextes d’utilisation et fonctions, dir. C. Leguy, Paris III.
– GUTOVA Evgeniya, Grammaire du berbère ketama (Nord du Maroc), dir. C. Taine-Cheikh, Paris III.– COULIBALY Sékou, Le minyanka parlé dans le cercle de Bia (Mali) : une description phonologique et morphosyntaxique, co-dir. V. Vydrin (INALCO) & I. Choi-Jonin, Paris III.
– SAAD Aisha, Les constructions en avoir –possessives et à support– dans le dialecte libyen de Benghazi, dir. S. Naïm, Paris III.
– SIMNARA Komi, L’expression des émotions en lama, co-dir. S. Naïm et P. Boyeldieu (LLACAN), Paris III.
– KHICHANE Samia, Ethnographie des conflits domestiques en Kabylie : injures, commérages, malédictions, dir. C. Leguy, Paris III.
– ELLA, Régis Ollomo, Description linguistique du shiwa, langue bantu du Gabon: Phonologie, morphologie, syntaxe, lexique, dir. S. Kaboré, Paris III. Thèse soutenue le 6 décembre 2013.
– GAMILLE, Léa Ghislaine, Éléments de description phonologique et morphologique du lumbu, langue bantu (B44) du Gabon, parlée à Mayumba, dir. S. Kaboré, Paris III. Thèse soutenue le 18 décembre 2013.
– HASSAN Ahmad, Compléments de manière en français et en syrien, co-dir. I. Choi-Jonin & S. Naïm (Lacito-Paris III), Toulouse II.
– MTAVANGU, Norbert, La contribution des Français à l’étude du swahili : le cas de Charles Sacleux (1856-1943), dir. O. Racine-Issa. Thèse soutenue le 5 décembre 2013.
– ÖPENGIN, Ergin, Clitic/affix interactions: a corpus-based study of person marking in the Mukri variety of Central Kurdish, co-dir. F. Jacquesson & G. Haig (Univ. de Bamberg), Paris III et l’Université de Bamberg. Thèse soutenue le 16 septembre 2013.
(En cours de mise à jour : 27 janvier 2023)