Extrait d’un conte maore │L’homme et sa femme en bois
Traduction, transcription : Marie-Françoise ROMBI

 

<> Introduction

 

Femmes comoriennes (1976)

Le conte, utilisé pour la démonstration proposée ci-après, a été recueilli à Mayotte en 1978 (presque un quart de siècle !).

L’île de Mayotte (Maore), située à l’extrémité méridionale de l’archipel des Comores, à quelque 300 km de Madagascar et environ 70 km d’Anjouan, comprend la Grande Terre séparée par un bras de mer de 4 km de la Petite Terre et du rocher de Dzaoudzi.

La superficie globale de Mayotte est de 374 km2 et sa population estimée à 150 000 habitants.
La présence française, pendant la première période de la colonisation (1843-1975) s’est surtout fait sentir sur le rocher de Dzaoudzi, capitale des Comores jusqu’en 1966.
Tandis que les trois autres îles – Grande-Comore (Ngazidja), Anjouan (Ndzuani) et Mohéli (Mwali) – accédaient à l’indé­pendance en 1975, Mayotte reste jusqu’à ce jour dépendance française. Les raisons de cette différence de choix sont d’ordre politique. Des deux points de vue, culturel et linguistique, Mayotte appartient à l’ensemble comorien.
Il y a de plus à Mayotte deux communautés linguistiques distinctes : l’une, majoritaire, parle le maore, parler ressor­tissant au groupe linguistique bantu, l’autre, dans une vingtaine de villages éparpillés dans l’île, parle un dialecte malgache. Les malgachophones parlent mahorais mais la réciproque n’est pas vraie. Deux langues mais une culture unique, caractérisée entre autres par l’Islam.

Revenons au conte. Il a été collecté en milieu urbanisé, à Mutsapere, faubourg de Mamudzu (en réalité Momoju) ville principale, en 1978, de la Grande Terre.
Le conteur est un homme d’une cinquantaine d’années, non francophone, n’ayant pas voyagé en dehors des Comores.
Le conte a été choisi pour deux raisons : le thème abordé et la partie chantée.
Le thème du conte, celui de l’arbre ou du bâton changé en femme, est très populaire aux Comores.

<> Lecture │Écoute

Liste des abréviations :

La transcription adoptée dans les exemples n’utilise pas les signes de l’API (Alphabet Phonétique International) mais un système d’équivalences

la fricative bilabiale est transcrite vh
la semi-consonne palatale y
b recouvre à la fois l’occlusive bi-labiale sonore explosive et implosive
, occlusive implosive a été maintenue
la rétroflexe sourde = tr
la fricative palatale sonore = j
la fricative palatale sourde = sh
l’affriquée palatale sonore = dj
l’affriquée palatale sourde = tsh
la rétroflexe prénasalisée sonore = ndr
l’affriquée prénasalisée sonore = ndj
la nasale palatale = ny .

acc

adj

aor

appl

asso

aug

aut

caus

con

cond

cons

cop

déloi

dét

dprox

dréf

éloi

évent

fonct

fut

hab

hypo

idéop

imp

imper

inac

= accompli

= adjectif

= aoriste

= applicatif

= associatif

= augment

= pronom autonome

= causatif

= connectif

= conditionnel

= consécutif

= copule

= démonstratif d’éloignement

= déterminatif

= démonstratif de proximité

= démonstratif de référence

= éloignement

= éventuel

= fonctionnel

= futur

= habituel

= hypothétique

= idéophone

= impersonnel

= impératif

= inaccompli

nt

interj

inv

loc

loctemp

m-neut

ncard

nég

nord

objet

pas

pd

pn

ponct parl

pos

pré-pfx

prés 

prést

psf

pv

quant

rel

renf

subj

subs

temp

= interrogatif

= interjection

= invariable

= locatif

= locatif temporel

= moyen-neutre

= numéral cardinal

= négatif

= numéral ordinal

= indice d’objet

= passé

= préfixe dépendant

= préfixe nominal

= ponctuation parlée

= possessif

= pré-préfixe

= présent

= présentatif

= passif

= préfixe verbal

= quantitatif

= relatif

= renforcatif

= subj

= substitut

= temporel

Extrait conte (© Marie-Françoise ROMBI)


hale halele, vhuka mutru zama izo woho, mabakoko yatru ya shimurima

hale
autrefois
hale
pn9-autrefois
halele
autrefois
halele
pn9-autrefois-éloi
vhuka
il y avait
vhuka
pv16-pas-être-sfx
mutru
quelqu’un
mutru
pn1-personne
zama
temps anciens
zama
pn10-temps anciens
izo
ceux-là
izo
pd10-dréf
woho
dans le lointain
woho
pd17-dréf, loc.temp
mabakoko
grands-pères
mabakoko
pn6-grands-pères
yatru
nos
iatru
pd6-dét-pos1pl
ya
d’
ia
pd6-dét
shimurima
Afrique
shimurima
pn7-Afrique
Il y a très longtemps, il y avait une personne dans ces temps anciens, ceux de nos grands-pères d’Afrique.

 

 

<> Notes

La structure fondamentale du conte est la suivante :

  1. Manque initial : le héros n’a pas de femme.
  2. Manque comblé : fabrication d’une femme en bois animée par un talisman et dissimulation de la femme.
  3. Nouveau manque : la femme est découverte et enlevée par le roi qui chasse sa propre épouse.
  4. Recours aux animaux : organisation d’un banquet, choix d’un oiseau médiateur.
  5. Catastrophe finale : le talisman est récupéré et la femme redevient arbre.

La langue utilisée par le conteur est un mahorais courant qui ne posait pas de problèmes de compréhension, en 1978, à la jeune génération.
La partie chantée montre que l’étude de la littérature orale apporte des éléments très importants et permet, avec prudence certes, d’ébaucher des hypothèses sur les mouve­ments de populations dans la région.
En effet, cette partie chantée m’a été présentée par le conteur comme provenant de la langue des ancêtres d’Afrique. Il s’est avéré ultérieurement qu’il s’agit de makua du Mozambique.

N.B.: Le but de ce travail étant la présentation de données de tradition orale pour utilisation linguistique, la traduction est délibérément plus littérale que littéraire.

Référence

ROMBI, Marie-Françoise, 1983, Le shimaore (île de Mayotte, Comores). Première approche d’un parler de la langue comorienne, Paris, PEETERS-SELAF.

Mise à jour le 02 juin 2023

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