Extrait d’un conte ngbaka-ma’bo │ Jacqueline M.C. Thomas

Extrait d’un conte ngbaka-ma’bo
Traduction, transcription : Jacqueline M.C. Thomas
(avec la collaboration de Simha Arom et Marcel Mavode)

Comme on peut le constater dans cet ouvrage de Jacqueline M.C. Thomas qui date de 1970, la description des récits oraux était déjà fondée sur des enregistrements de parole. A cette époque, la publication des données audio n’avait pas été envisagée…

 

Traduction & transcription de l’extrait du conte NGBAKA-ma’bo “les sept frères”

 

Mise à jour le 30 mai 2023

Extrait d’un conte langi │ Margaret Dunham

Extrait d’un conte langi
Traduction, transcription : Margaret Dunham

 

<> Introduction

 

Au premier rang à gauche : le conteur
(Piriri, Tanzanie, 1996)

Ce conte a été recueilli en juillet 1996, à Piriri, village de la région de Kondoa (Tanzanie), auprès de Pascali Daudi. Le langi est parlé par environ 200 000 locuteurs. Il appartient à la grande famille des langues bantu et est répertorié F33 dans la classification de Guthrie.

Ce récit, qui comporte aussi des parties chantées, relate les aventures de Misiru, fille de Lose. Malgré l’interdiction de ses parents, Misiru va se baigner au point d’eau. Un petit oiseau lui vole ses habits, et n’accepte de les lui rendre que lorsqu’elle épouse Mambeya vaa Waari.
Après que Misiru a mis au monde dix enfants, Mambeya vaa Waari accepte de partir avec la famille pour rendre visite aux parents de sa femme. Or, en chemin, ils décident de se montrer la magie de leur clan respectif. Il en résulte que Mambeya vaa Waari est avalé par un lion et que Misiru est changée en tronc d’arbre. Les enfants partent donc seuls à la recherche de leurs grands-parents, puis finissent par faire libérer leur mère.

Cette histoire met en relief le système de clans chez les Valangi : selon leur littérature orale, suite à une grande famine, les Valangi furent contraints de se disperser, chacun devant alors trouver les moyens de subsister. Chaque moyen de subsistance est à l’origine d’un clan (j’en ai relevé une douzaine). L’appartenance à un clan est transmise par la mère. Misiru appartient au clan de la pluie, Mambeya vaa Waari au clan du lion.

<> Lecture │Écoute

Symboles et abréviations :

L’alphabet phonétique employé est celui de l’Association Phonétique Internationale, à l’exception de [y] qui représente la semi-consonne palatale (transcrite [j] dans l’API).
Les chiffres renvoient aux classes nominales (sauf 1sg, 1pl, etc.).

– = frontière morphologique
1pl = 1ère personne du pluriel
1sg = 1ère personne du singulier
adv = adverbe
acc = accompli
appl = extension de l’applicatif
ass = extension de l’associatif
aux = auxiliaire
caus = extension du causatif
conn = connectif
cop = copule
déict = démonstratif déictique
dém.p = démonstratif de proximité
dém.é = démonstratif d’éloignement
dét = déterminatif
imp = impératif
inacc = inaccompli actuel
inf = infinitif
interro = interrogatif
loc = suffixe locatif
N = nasale homorganique
narr = narratif
nég = négatif
obj = marque d’objet
pass = extension du passif
pd = préfixe de dépendance
perf = perfectif
pers = personnel autonome
pfx = préfixe
pn = préfixe indépendant
poss = possessif
pv = préfixe verbal
RAD = radical verbal
réc = marque du réciproque
réf = démonstratif référentiel
rel = relatif
réver = extension du réversif
sfx = suffixe
stat = extension du statif
subj = subjonctif
sw = swahili
V = voyelle

 

Extrait conte (© Margaret Dunham)


  1. ahɔ kalɛ kɔɔvidʒa kwatɛɛtɛ mʊntʊ aasɛwaa misiru ɔkɔ lɔsɛ
ahɔ
a
pd16-réf16
kalɛ
kalɛ
pn9-autrefois
kɔɔvidʒa
aviidʒa
pv17-acc-vi-aux-sfx
kwatɛɛtɛ
atɛtirɛ
pv17-acc-avoir-perf
mʊntʊ
ntʊ
pn1-personne
asɛwaa
aauaa
pv1-acc-dire-pass-hab-sfx
misiru
misiru
Misiru
ɔkɔ
ɔkɔ
fille de
lɔsɛ
lɔsɛ
Lose
Il était une fois une personne appelée Misiru fille de Lose.

 

 

<> Notes

Le texte présente plusieurs caractéristiques qui illustrent la complexité linguistique de la région de Kondoa. Cette partie de l’Afrique est la seule où se côtoient encore les quatre familles linguistiques du continent : bantu, couchitique, nilotique et khoisan.

Par exemple, le temps futur s’exprime par une structure à ma connaissance unique dans les langues bantu, mais très proche de la forme verbale rencontrée dans les langues couchitiques (voir les phrases 172, 174 et 181).

La place du démonstratif en langi est, elle aussi, inhabituelle. La construction neutre (sans emphase) est : déterminant (démonstratif)-déterminé (nom), alors que dans la plupart des langues bantu de l’est, la place non marquée du démonstratif est à la suite du nom (voir par exemple les phrases 6, 7 et 34).

Dans la phrase 21, nous voyons un exemple de l’interférence du swahili. Le swahili, langue officielle de Tanzanie, est parlé par la grande majorité de la population. C’est dans cette langue que l’enseignement est dispensé, aussi est-elle utilisée par la plupart des enfants lorsqu’ils parlent entre eux.

Référence

DUNHAM, Margaret, 2001, Description ethnolinguistique des Valangi, Thèse de Doctorat, Univ.Paris III.

Mise à jour le 31 mai 2023

« CHERE JACQUELINE… » │ Marie-Françoise ROMBI (LACITO)

Chère Jacqueline,

Pourquoi un cédérom, en complément (et non pas en annexe) d’un livre d’hommages ? Et pourquoi ce cédérom avec des enregistrements et des transcriptions de récits dans une variété de langues ?
Parce qu’il donne un aperçu du monde couvert par le Lacito, ce laboratoire de Langues et Civilisations à Tradition Orale que vous avez créé avec André-Georges Haudricourt ; et parce qu’enregistrements sonores et transcriptions y sont enfin réunis.

Automne 1997 (nous nous connaissions déjà depuis dix-sept ans) : J’étais de permanence pour une petite semaine à une exposition organisée à La Villette. Cette manifestation, joliment baptisée “Science en Fête”, permettait à un public composite de découvrir les avancées de la recherche dans de multiples disciplines. Sur notre stand, deux écrans retenaient particulièrement l’attention. C’était pour moi l’occasion de découvrir de plus près, les mains sur le clavier, en la faisant découvrir aux visiteurs et en répondant aux questions, l’application préparée par Boyd Michailovsky et Michel Jacobson qui permet d’entendre une voix dans une langue et d’en suivre simultanément, à l’écran, la transcription phonétique, le découpage morphologique et la traduction.
Ma première réaction, en prenant conscience de la portée de cet outil, a été pour vous et pour les Contes ngbaka-ma’bo : “Ah, ça, c’est vraiment fait pour Jacqueline ! Elle ne peut qu’être ravie, comme moi, par cette technique qui permet enfin de restituer en même temps toute la richesse et la densité de l’analyse de la langue et toute la vérité de la voix, le timbre, le rythme, la respiration, l’âme du conteur….”

Cette réunion de la donnée brute, avec toute son émotion, et de son interprétation scientifique, avec sa rigueur, m’enthousiasmait par l’honnêteté fondamentale de ce procédé qui livre un travail d’analyse en s’offrant à toute contestation, à toute vérification. J’étais emballée par la facilité avec laquelle on pouvait avancer, revenir en arrière, relire et ré-écouter, avec une aisance que ma longue pratique du magnétophone à bande n’avait encore jamais rencontrée.

1976 : Je ne vous connaissais pas encore et Pierre Alexandre, mon professeur à l’Inalco, puis mon directeur de 3ème cycle, m’a tendu un jour l’imposant volume brun des Contes ngbaka-ma’bo en me disant : “C’est ce qui se fait de mieux”. Tant que je travaillerai dans une perspective d’ethnolinguistique, je pouvais le conserver et le pratiquer, selon ses termes, “comme livre de chevet”.

Je me rends compte, rétrospectivement, que les premiers contes que vous avez recueillis en 1956-57, ont été notés directement sur le papier à partir de la dictée de l’informateur. Ce n’est qu’après que vous avez eu recours au magnétophone qui permet de conserver et de réutiliser le récit brut du conteur quand on s’attelle, après la collecte des données, à la transcription, avec un informateur qui est obligatoirement un locuteur de la langue, mais pas nécessairement le conteur lui-même. Et quelle que soit la familiarité avec la langue, ou la virtuosité qu’on développe dans l’usage du magnétophone, cet outil demeure toujours, bien imparfait : on a le UHER sur la table et le cahier de notes à côté, mais on n’a qu’une main droite et qu’un seul regard ; les allers-retours incessants entre le son du récit et le texte qu’on en tire et qu’on découpe sont forcément laborieux. Et enregistrés ou non, vous avez toujours présenté vos textes avec un mot-sous-mot.

Cette application informatique répond, pour moi, entièrement, à l’exigence de base de votre enseignement : une collecte soignée, une transcription fine et fidèle, un découpage morphologique homogène. Comme vous le dites si bien, on recueille des matériaux et on les transcrit avec le souci qu’un autre chercheur puisse à son tour les exploiter.

Tout le respect que nous avons pour votre apport théorique à l’ethnolinguistique ne nous laisse pas oublier pour autant le temps et l’énergie que vous avez consacrés aux éditions de la SELAF, que vous avez créées afin de permettre la diffusion des travaux d’un maximum de chercheurs. Et vous vouliez, pour celles de ces publications comportant des textes, que ces derniers soient accompagnés d’un mot-sous-mot, d’un découpage morphologique et parfois même d’un disque. Dès les années soixante-dix en effet, en plus des deux disques de référence sur la phonétique, vous avez été éditeur d’ouvrages comportant, en complément du papier, des disques, des vinyles comme on dit désormais…. Ce cédérom et ce programme Archivage du Lacito s’inscrivent donc bien dans une ligne qui est la vôtre.

En travaillant à ce florilège de textes avec mes collègues, j’ai voulu, pour ma part, revenir à l’évocation des outils de notre artisanat et à ce moment d’enthousiasme : ” Ah, ça, c’est vraiment fait pour Jacqueline !”

Marie-Françoise ROMBI

 

Extrait d’un conte maore │ Marie-Françoise ROMBI

Extrait d’un conte maore │L’homme et sa femme en bois
Traduction, transcription : Marie-Françoise ROMBI

 

<> Introduction

 

Femmes comoriennes (1976)

Le conte, utilisé pour la démonstration proposée ci-après, a été recueilli à Mayotte en 1978 (presque un quart de siècle !).

L’île de Mayotte (Maore), située à l’extrémité méridionale de l’archipel des Comores, à quelque 300 km de Madagascar et environ 70 km d’Anjouan, comprend la Grande Terre séparée par un bras de mer de 4 km de la Petite Terre et du rocher de Dzaoudzi.

La superficie globale de Mayotte est de 374 km2 et sa population estimée à 150 000 habitants.
La présence française, pendant la première période de la colonisation (1843-1975) s’est surtout fait sentir sur le rocher de Dzaoudzi, capitale des Comores jusqu’en 1966.
Tandis que les trois autres îles – Grande-Comore (Ngazidja), Anjouan (Ndzuani) et Mohéli (Mwali) – accédaient à l’indé­pendance en 1975, Mayotte reste jusqu’à ce jour dépendance française. Les raisons de cette différence de choix sont d’ordre politique. Des deux points de vue, culturel et linguistique, Mayotte appartient à l’ensemble comorien.
Il y a de plus à Mayotte deux communautés linguistiques distinctes : l’une, majoritaire, parle le maore, parler ressor­tissant au groupe linguistique bantu, l’autre, dans une vingtaine de villages éparpillés dans l’île, parle un dialecte malgache. Les malgachophones parlent mahorais mais la réciproque n’est pas vraie. Deux langues mais une culture unique, caractérisée entre autres par l’Islam.

Revenons au conte. Il a été collecté en milieu urbanisé, à Mutsapere, faubourg de Mamudzu (en réalité Momoju) ville principale, en 1978, de la Grande Terre.
Le conteur est un homme d’une cinquantaine d’années, non francophone, n’ayant pas voyagé en dehors des Comores.
Le conte a été choisi pour deux raisons : le thème abordé et la partie chantée.
Le thème du conte, celui de l’arbre ou du bâton changé en femme, est très populaire aux Comores.

<> Lecture │Écoute

Liste des abréviations :

La transcription adoptée dans les exemples n’utilise pas les signes de l’API (Alphabet Phonétique International) mais un système d’équivalences

la fricative bilabiale est transcrite vh
la semi-consonne palatale y
b recouvre à la fois l’occlusive bi-labiale sonore explosive et implosive
, occlusive implosive a été maintenue
la rétroflexe sourde = tr
la fricative palatale sonore = j
la fricative palatale sourde = sh
l’affriquée palatale sonore = dj
l’affriquée palatale sourde = tsh
la rétroflexe prénasalisée sonore = ndr
l’affriquée prénasalisée sonore = ndj
la nasale palatale = ny .

acc

adj

aor

appl

asso

aug

aut

caus

con

cond

cons

cop

déloi

dét

dprox

dréf

éloi

évent

fonct

fut

hab

hypo

idéop

imp

imper

inac

= accompli

= adjectif

= aoriste

= applicatif

= associatif

= augment

= pronom autonome

= causatif

= connectif

= conditionnel

= consécutif

= copule

= démonstratif d’éloignement

= déterminatif

= démonstratif de proximité

= démonstratif de référence

= éloignement

= éventuel

= fonctionnel

= futur

= habituel

= hypothétique

= idéophone

= impersonnel

= impératif

= inaccompli

nt

interj

inv

loc

loctemp

m-neut

ncard

nég

nord

objet

pas

pd

pn

ponct parl

pos

pré-pfx

prés 

prést

psf

pv

quant

rel

renf

subj

subs

temp

= interrogatif

= interjection

= invariable

= locatif

= locatif temporel

= moyen-neutre

= numéral cardinal

= négatif

= numéral ordinal

= indice d’objet

= passé

= préfixe dépendant

= préfixe nominal

= ponctuation parlée

= possessif

= pré-préfixe

= présent

= présentatif

= passif

= préfixe verbal

= quantitatif

= relatif

= renforcatif

= subj

= substitut

= temporel

Extrait conte (© Marie-Françoise ROMBI)


hale halele, vhuka mutru zama izo woho, mabakoko yatru ya shimurima

hale
autrefois
hale
pn9-autrefois
halele
autrefois
halele
pn9-autrefois-éloi
vhuka
il y avait
vhuka
pv16-pas-être-sfx
mutru
quelqu’un
mutru
pn1-personne
zama
temps anciens
zama
pn10-temps anciens
izo
ceux-là
izo
pd10-dréf
woho
dans le lointain
woho
pd17-dréf, loc.temp
mabakoko
grands-pères
mabakoko
pn6-grands-pères
yatru
nos
iatru
pd6-dét-pos1pl
ya
d’
ia
pd6-dét
shimurima
Afrique
shimurima
pn7-Afrique
Il y a très longtemps, il y avait une personne dans ces temps anciens, ceux de nos grands-pères d’Afrique.

 

 

<> Notes

La structure fondamentale du conte est la suivante :

  1. Manque initial : le héros n’a pas de femme.
  2. Manque comblé : fabrication d’une femme en bois animée par un talisman et dissimulation de la femme.
  3. Nouveau manque : la femme est découverte et enlevée par le roi qui chasse sa propre épouse.
  4. Recours aux animaux : organisation d’un banquet, choix d’un oiseau médiateur.
  5. Catastrophe finale : le talisman est récupéré et la femme redevient arbre.

La langue utilisée par le conteur est un mahorais courant qui ne posait pas de problèmes de compréhension, en 1978, à la jeune génération.
La partie chantée montre que l’étude de la littérature orale apporte des éléments très importants et permet, avec prudence certes, d’ébaucher des hypothèses sur les mouve­ments de populations dans la région.
En effet, cette partie chantée m’a été présentée par le conteur comme provenant de la langue des ancêtres d’Afrique. Il s’est avéré ultérieurement qu’il s’agit de makua du Mozambique.

N.B.: Le but de ce travail étant la présentation de données de tradition orale pour utilisation linguistique, la traduction est délibérément plus littérale que littéraire.

Référence

ROMBI, Marie-Françoise, 1983, Le shimaore (île de Mayotte, Comores). Première approche d’un parler de la langue comorienne, Paris, PEETERS-SELAF.

Mise à jour le 02 juin 2023

Extrait d’un conte ouldémé │ Véronique de Colombel

Extrait d’un conte ouldémé

Conte de la tête ronde
Traduction, transcription : Véronique de Colombel

 

<> Introduction

 

Au puit (1976)

Le conte choisi a été enregistré en langue ouldémé, sur le massif ouldémé, dans le village de Dibon, le 10 mai 1976, un soir de saison sèche, dans le cadre traditionnel.
À la naissance d’un enfant qui arrive au monde avec une grosse tête ronde, un seul bras et une seule jambe, les parents décident de quitter pour toujours leur maison en y abandonnant l’enfant monstrueux. Mais la sœur aînée, qui n’est encore qu’une fillette, tient à l’emmener. Voyant cela, les parents abandonnent les deux enfants en chemin. Plus tard, après avoir demandé à sa sœur de le cogner contre un tamarinier, puis contre un arbre à grêlons, le garçon retrouve ses membres, puis un corps complet de jeune homme. Ensuite, il construit une maison tôlée et prend huit épouses. Pendant ce temps, sans enfant pour les aider, les vieux parents errent en brousse où ils tentent de survivre en se nourrissant de souchets sauvages. C’est alors que le garçon leur fait parvenir de la nourriture par magie. Il va ensuite à cheval à leur rencontre. Les parents, qui le prennent pour un Mandara, ont tout d’abord peur de lui. Puis ils finissent par reconnaître leur enfant et celui-ci leur offre alors le gîte et le couvert. 

 

<> Lecture │Écoute

Listes des abréviations :

acc.= accompli
achèv. = achèvement
act. = actif
attr. = attributif
aux. = auxiliaire
béné. = bénéfactif
centrif.cf. = centrifuge
centrip.cp. = centripète
côtoi. = côtoiement
dest. = destinatif
dét. = déterminatif
dir. = directionnel
distr. = distributif
éloign. = éloignement
ench. = enchaînement
fact. = factitif
fonct. = fonctionnel
hab. = habitude
idéof. id. = idéophone
imp. = impératif
instr. = instrumental
inter. = interrogatif
interj. = interjection
loc. = locatif
marq. = marqueur
mod. = modalité
nég. = négation
obj. = comp. objet direct
orig. = origine
perm. = permanence
plur. pl. = pluriel
pours. = poursuite
pr. rég. = pronom régi
préf. = préfixe
prov. = provenance
rad. = radical
répét. = repétition
ps. = personne sing.
pp. = personne plur.
+ amalgame

 

Extrait conte (© Véronique de Colombel)


 

wāl       jābāy                           mə̄rēz bə́s                  āvə̀h       gwə̄bār  gāta

femme  il+mod.-accoucher-distr.  gens     il+mod.-cultiver  champs  homme  leur

gérēgè                     mə̄tə̄lə́k sérgè                āgāráy                 āsérgè

il+mod.-faire-lui-achèv. bouillie il+mod.-boire-achèv. il+mod.-faire-lui-dir. il+mod.-boire-achèv.

Il y avait une femme qui avait accouché pendant la période des travaux des champs. Son mari préparait la bouillie et elle la buvait.

 

<> Notes

Parmi les populations montagnardes, toutes de langue tchadique, comprenant entre 2 000 et 15 000 habitants et occupant la bordure orientale des monts du Mandara (Nord-Cameroun), celle des Ouldémés est de taille moyenne. On compte parmi les populations voisines les Podokos, les Mouktélés, les Moras-massif, les Vamé-brémés, les Madas, les Ourzos et les Mouyangs.

cale.gifLe territoire ouldémé est un petit “massif presqu’île” de trois kilomètres sur six, adossé au plateau central des monts du Mandara et bien individualisé à cause des larges vallées des mayo Plata et Ouldémé qui l’encerclent. Quand on en fait le tour, les habitations sont invisibles et le massif offre l’aspect d’une forteresse. Les habitants se regroupent sur le sommet et le haut des pentes entre 650 et 900 mètres. De nos jours, certains villages ont amorcé une descente et se regroupent en piémont.

cale.gifCette montagne est située dans une région de savane arbustive, au climat sec et à la végétation pauvre pendant la plus grande partie de l’année. Les pluies tombent de juin à août. Le paysage n’est vert que pendant cette période. C’est à cette saison que ses habitants, agriculteurs de longue date, procèdent à leurs cultures dont le produit de base est le mil.

cale.gifLes modes de vie de ces populations, de tradition animiste, contrastent avec ceux des musulmans des villes, Foulbés et Mandaras, souvent commerçants (notre conte y fait allusion). Comme dans l’ensemble des monts du Mandara, l’économie ouldémé est une économie de subsistance dans un milieu contraignant, ayant maintenu son équilibre dans l’autarcie. Cet équilibre devient précaire s’il s’agit d’entrer dans l’économie monétaire. Les exploitations agricoles traditionnelles, viables en autarcie, ont utilisé au maximum les conditions naturelles. Or, les possibilités d’amélioration du niveau de vie sont relativement limitées. Les cultures se font à la houe. Dans ces conditions, élever un enfant infirme est une lourde charge, ce que suggère le conte. Ce récit, toujours d’actualité, fait partie de l’ensemble le plus apprécié de nos jours par les jeunes Ouldémés. C’est cette réalité qui a guidé notre choix.

cale.gifLa langue ouldémé, comme les autres langues tchadiques, peut, par ses racines et certains traits grammaticaux, être rapprochée de l’ensemble chamito-sémitique. Pour plus de précisions sur les affixes verbaux et les phonèmes originaux, tels que les consonnes latérales-fricatives, on peut se reporter aux ouvrages suivants :

Références

COLOMBEL, Véronique de, 1986, Phonologie quantitative et synthématique, avec application à l’ouldémé, langue tchadique du Nord-Cameroun, Paris, SELAF (LCA 7), 375 p.
—, 1987, Les Ouldémés. Introduction géographique et ethnologique à l’étude d’une société animiste de cultivateurs de mil dans les Monts Mandara, Paris, SELAF (LCA 8), 100p.
—, 1996, La langue ouldémé, Nord-Cameroun, précis de grammaire, texte, lexique. Les Documents de Linguistique africaine 4, Paris, 340 p.

Aller au contenu principal