La recherche au Lacito
Opérations de recherche
Changement linguistique et écologie sociale (2008-2011)
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Opérations de recherche
Axe 3 – Anthropologie sociale et linguistique
- Le dit, le non-dit, le “dire autrement” et l’implicite… (2004-2010)
- Interlocution et espaces publics (2006-2013)
- Changement linguistique et écologie sociale (2008-2011)
- Adoption, parenté, parentalité : des perspectives comparatives entre tradition et globalisation (depuis décembre 2010)
- Nomination, dénomination et terminologie de parenté (termes d’adresse, de référence et teknonymes) (2005-2011)
- Terrains (2015-2017)
- Métaphore(s) : L’énonciation métaphorique en situation (2013-2018)
- Indexicalités langagières et sociales (depuis octobre 2017)
- Jeux de Langage (depuis octobre 2018)
Journées d’étude / Workshops
- 30 septembre 2011, Aires linguistiques (présentation)
- 28-29 janvier 2011, Géographie linguistique « Pays et paysages linguistiques » (présentation)
- 26 mars 2010, Population et changement linguistique (présentation)
- 19 octobre 2009, Déserts. Y a-t-il des corrélations entre l’écosystème et le changement linguistique ? (présentation et vidéos des conférences)
- 23 octobre 2008, Ecologie du changement linguistique (présentation et vidéos des conférences).
Le propos de cette opération
Nous souhaitons étudier les relations entre les changements linguistiques, point de départ de notre étude, et leur contexte social, c’est à dire apprécier dans quelle mesure l’étude de la communauté des locuteurs les explique ou les éclaire. Cet éclairage peut aller du corrélat à la causalité, et se joue autrement selon que le changement est dit interne ou externe.
Cette opération s’adresse donc à tous ceux qui, conscients de l’importance et de la variété des changements linguistiques, connaissent assez bien les communautés des locuteurs pour présenter des cas où il est intéressant d’en tenir compte. Nous pensons que des tendances générales peuvent s’en dégager.
Description du contexte intellectuel
Le LACITO est un centre d’études pour plusieurs régions linguistiques, à la fois pour la description des langues, pour l’étude des contextes, et pour l’histoire des langues comme des communautés de locuteurs.
Si des études récentes (cf. Thomason et Kaufman 1988, Thomason 2001) soulignent la différence de comportement des langues selon que le changement est plus “interne” ou induit par contact, il reste que les deux approches se complètent (cf. Aikhenvald et Dixon 2001, Heine et Kuteva 2005) et, dans la pratique, ne peuvent être menées qu’ensemble. En outre, même dans les situations de contact, dont la recherche récente met en valeur une gamme étonnamment large (Bakker & Mous 1994, Nicolaï 2007), il est important d’apprécier la proximité typologique ou historique afin de comprendre la façon dont le contact s’est négocié ou, en cas de changement saisi sur le vif, comment il se négocie.
Certains développements peuvent paraître plus spécifiques de l’évolution interne (tels les phénomènes de grammaticalisation) ou caractéristiques, à l’inverse, des situations de contact (ainsi des emprunts et calques ou des procédés de diffusion).
De même, on constate des différences et des gradations :
- dans les fréquences d’emprunts (lexèmes isolés / traits morphologiques ou schémas syntaxiques, modalité du futur / celle du passé, …) et les degrés d’intégration (phonétique, morphologique etc.)
- dans l’ordre d’apparition et de disparition des traits et des catégories linguistiques (pour les langues en voie d’obsolescence, cf. Dorian 1989 ; pour les situations de bilinguisme, cf. Matras et Sakel (eds.), 2007)
- dans l’impact d’un changement linguistique sur la globalité des systèmes, celui-ci pouvant être limité (cas en général du lexique) ou bien modifier profondément le système de la langue (métatypie cf. Ross 2007).
Quelles que soient leur cause (interne, externe ou mixte) et leur spécificité (illustration d’une tendance générale ou cas particulier), les changements linguistiques se produisent toujours dans un contexte anthropologique particulier que l’on étudiera en détail.
Chaque communauté humaine spécifique peut être étudiée de différents points de vue et c’est l’ensemble des données (historiques, géographiques, socio-économiques, culturelles etc.) qui permet de reconstituer “l’écologie sociale” d’une variété linguistique. Cette approche, bien décrite dans Mufwene 2005, ne va pas sans quelque danger. En utilisant la métaphore “écologique”, nous ne souscrivons en rien à l’assimilation qu’on fait souvent des sciences du langage aux sciences naturelles, ni à la tentation d’expliquer le culturel par le biologique. Nous pensons que l’expression “d’écologie sociale” évoque assez bien, en ce moment, la volonté de restituer un contexte anthropologique aux faits linguistiques.
Des regroupements se dessinent souvent pour une langue ou une aire linguistique donnée, sur la base d’un ou de plusieurs critères : opposition entre centre et périphérie, entre petites et grandes communautés (montagnes / plaines, villages / villes), entre sédentaires et nomades, particularités religieuses ou non, communautés émigrées ou non, isolées ou non, scolarisées ou non, unilingues ou non, tout un champ s’ouvre : cherchons si nous pouvons l’organiser.
Le rôle des facteurs extra-linguistiques – complexes comme celui de bédouinité en dialectologie arabe ou comme celui de la densité de population (cf. Jacquesson 2001, 2003) –, sera étudié dans différentes familles et aires linguistiques. On verra dans quelle mesure on peut établir des parallélismes entre les évolutions sociétales et les évolutions linguistiques, ainsi du contraste entre l’évolution relativement lente et limitée chez les bédouins (comme dans les “quasi-déserts” étudiés par Jacquesson) et l’évolution rapide ou les phénomènes de convergence qu’on peut constater dans les agglomérations urbaines.
Bibliographie
Aikhenvald A.Y. et R.M.W. Dixon (éd.), 2001, Aréal Diffusion and Genetic Inheritance. Problems in Comparative Linguistics, Oxford, Oxford University Press.
P. Bakker and M. Mous (eds), 1994, Mixed Languages. 15 Case Studies in Language Intertwining, Amsterdam, Institute for Functional Research into Language and Language Use, 242 p.
Heine B. et T. Kuteva, 2005, Language contact and grammatical change, Cambridge, Cambridge University Press.
Jacquesson F., 2001, « Pour une linguistique des quasi-déserts », in A.-M. Loffler-Laurian (éd.), Études de linguistique générale et contrastive. Hommage à Jean Perrot, Paris, Centre de Recherches sur les Langues et les Sociétés, pp. 199-216.
—, 2003, Linguistique et génétique : l’avenir d’une collaboration, BSLP, t. XCVIII/1, pp. 101-122.
Matras Y. et J. Sakel (eds.), 2007, Grammatical borrowing in cross-linguistic perspective. Berlin: Mouton de Gruyter.
Mufwene S. S., 2005, Créoles, écologie sociale, évolution linguistique, Paris, L’Harmattan.
Nicolaï R., 2007, « Le contact des langues ; point aveugle du ‘linguistique’ », Journal of Language Contact – THEMA 1, www. jlc-journal.org, pp. 1-11.
Ross M., 2007, « Calquing and Metatypy », Journal of Language Contact – THEMA 1, www. jlc-journal.org, pp. 116-143.
Thomason S.G., 2001, Language contact: An introduction, Washington DC: Georgetown University Press.
Thomason S.G. et T. Kaufman, 1988, Language contact, creolization, and genetic linguistics, Berkeley: University of Chicago Press.