La recherche au Lacito

Opérations de recherche

Textes de tradition orale (2004 - 2010)

Le dit, le non-dit, le “dire autrement” et l’implicite…

  • Responsables : Véronique de Colombel et Micheline Lebarbier
  • Participants : I. Andreesco (Langues’O) – M. Anthony (APSONAT) – S.G. Béju – A. Behaghel-Dindorf – J.-M. Charpentier – M. Chiche – M. Dunham – I. Gaita (MNHN) – B.-F. Gérard (IRD) – R. El Ghannami (univ. de Montréal) – G. Guarisma – E. Largèche (LAS) – I. Leblic – M. Mesnil (ULB, Bruxelles) – É. Motte-Florac – S. Mougin – P. Mukherjee – M. Petrovic-Rignault – A. Popova – V. Randa – C. Taine-Cheikh

L’objet d’analyse de notre groupe se fonde sur des corpus de textes de tradition orale recueillis par chacun dans les sociétés qu’il étudie. L’objectif est de dégager les liens qui existent entre ces textes et le fonctionnement de la communauté qui les a produits et qui en fait usage. Nous portons une attention particulière aux convergences et divergences attestées entre la “réalité” socioculturelle et les interprétations que l’on peut faire de cette tradition orale.

Un premier thème a été étudié en 2000-2002 « Présence et sens des éléments et des cycles naturels dans les textes de tradition orale », puis le séminaire a porté en 2002-2004 sur « Les étapes de la vie et leurs reflets dans la tradition orale », ce qui a donné lieu à un ouvrage collectif, paru en 2009, Étapes de la vie et tradition orale. Conceptions universelles et expressions particulières (présenté ici). Un troisième thème a pris forme dès juin 2004, présenté ci-après.

« Le dit, le non-dit, le ‘dire autrement’ et l’implicite »

Dans ce troisième thème ont été abordées les problématiques suivantes :

Les formes que prennent les détours de la parole pour donner à entendre ce qu’il est inconvenant de dire sans le nommer.

  • Comment peut s’exprimer le non-dit et l’indicible, le tabou et l’interdit ?
    Un langage codé concerne entre autres l’amour et la sexualité, notamment dans les contes facétieux et les chansons à sous entendus.

Les formes qui donnent à entendre les manquements à la règle sociale, les transgressions aux normes.

  • Comment interpréter les occultations et les silences pour ne pas nommer ce qui dérange ou ce qui effraie ?
    C’est le cas notamment dans les textes oraux (proverbes, récits, contes merveilleux…), voire dans les textes écrits.

Le “dire autrement” concerne aussi bien les règles de politesse que l’injure, l’expression des tabous langagiers, la manifestation des sentiments régie par les règles de la pudeur.

  • Comment fonctionne l’injure dans des sociétés où l’islam joue un rôle prépondérant ?
    Dans certains types de sociétés, les paroles explicites ou détournées sont strictement régies par le code social et imposent la mise en place de stratégies langagières diverses.

Le non-dit peut exister également au-delà des paroles et s’exprimer par le geste, la représentation, l’ostentation du silence (stratégie de parole ou de silence dans des rencontres avec le surnaturel).

  • Comment exprimer par gestes ou métaphores ce qu’on ne veut ou ne peut pas nommer ?
    L’implicite apparaît notamment dans plusieurs types de rituels : rituel thérapeutique où sont utilisées des langues oubliées et où certains mots ne peuvent être prononcés sans danger ; rituel d’abstinence verbale qui apparaît alors comme une pratique initiatique ; les rituels funéraires et les codes sociaux qui le conduisent.

Les différents niveaux de langue sont aussi une manifestation du “dire autrement”, celui de la réalité ordinaire, de la langue poétique et de la langue métaphorique (par exemple dans des sociétés à tradition chamanique).

  • Comment s’exprime la notion de secret dans la transmission des connaissances cachées, ainsi que l’implicite dans le discours concernant le savoir initiatique ?

Enfin, le passage d’une langue à une autre implique une réinterprétation du texte initial pour aboutir au texte traduit, qui ne peut que restituer incomplètement un “implicite culturel”.

 

Séminaires

Parmi les thèmes que nous envisageons de traiter, citons encore :
– La formulation de l’interdit : quels sont les actes interdits et les façons de les dire ou de les exprimer ?
– L’expression de la médisance.
– Le fait de dire, de ne pas dire ou de dire autrement concrétise-t-il dans l’imaginaire la réalisation de ce que l’on redoute, de ce que l’on ne veut pas voir ou ne pas entendre ?
– L’identité emblématisée : que révèlent les armes parlantes en héraldique ?

Issu de ces réflexions, un ouvrage collectif doit clore ce travail.

2010
  • 10 juin 2010
    Martine Vanhove  Tabous linguistiques et humour poétique ches les Bedja du Soudan
  • 18 février 2010
    Anne Behaghel-Dindorf  Les armes parlantes en héraldique, identité et emblématique des porteurs d’armoiries
    Parmi les armoiries portées à toutes les époques, environ 30% sont des armoiries parlantes. Certains considèrent que les armoiries parlantes sont des créations modernes, idée fausse malheureusement confortée par le recensement de l’Armorial de 1696.
    Notre propos est de montrer combien les armes parlantes ont été présentes dès l’apparition de l’héraldique (vers 1150) et dans toutes les couches de la société et d’expliciter la différence entre armes-rébus et armes allusives (historiques ou politiques), toutes liées à la manière dont chacun se percevait autrefois (individu, membre d’une lignée ou d’un groupe politique…) et toutes majoritairement liées à la langue maternelle du porteur d’armoirie. (diaporama de l’exposé en pdf)
  • 21 janvier 2010
    Galia Valtchinova (Académie des sciences de Bulgarie) – Vidi mi se preko slava [ceci apparaît à moi par la gloire (de Dieu)] : expériences de femmes visionnaires de Macédoine (FYRoM) entre le non-dit et le sous-entendu
    « Vidi mi se preko slava » est une formule spéciale pour exprimer le contact entre un être humain et une ou des entités surnaturelles, contact permettant à celui-ci de fonctionner comme le “conduit” ou la “bouche” de celle(s)-là. Pour les femmes visionnaires orthodoxes du petit pays balkanique qu’est la République ex-yougoslave de Macédoine, où l’enquête a été menée entre 1999 et 2004, cette formule exprime ce qui est au cœur de la relation visionnaire et prophétique. Les entités surnaturelles peuvent être des saints, des anges, la Vierge ou le Christ, mais également des morts appartenant à la famille ou s’étant illustrés pour la Patrie. Leur désignation par le terme collectif d’« entités surnaturelles » est due au fait, relevé sur le terrain, que toutes ces figures sont vues et perçues comme des acteurs d’une volonté extra-humaine intervenant dans le cours de l’existence des hommes jusque dans leur vie quotidienne. Et pourtant, qu’ils soient divins ou non, ces acteurs surnaturels sont nommés rarement ou pas du tout : l’ethnographe aura beau jeu de chercher à surprendre une exclamation comme “Voilà la Vierge”, ainsi qu’on l’a souvent rapporté pour les visionnaires de culture catholique. L’entité divine, ou plus généralement surnaturelle, à laquelle la visionnaire se soumet et au nom de laquelle elle “parle” en énonçant des révélations ou des prophéties, n’est identifiable qu’à terme, après un travail patient de mise en rapport, par la visionnaire, des énoncés avec les non-dits culturels qu’elle a intégrés et les éléments évidents à ses yeux, que je désigne ici par le “sous-entendu”. La référence explicite, dans la formule visionnaire, à slava, terme slave pour « gloire », et aussi « célébration » et « grâce divine », permettra de chercher une clé de lecture et de compréhension de ces non-dits et des composantes implicites du fait visionnaire dans la culture rituelle locale.
2009
  • 11 juin 2009
    Jean-Marie Privat
     (Université de Metz) – Ethnocritique de Toine de Maupassant – Entre anal et carnaval

  • 30 avril 2009
    Nicole Belmont (LAS) – Le jeu de la variation dans les contes merveilleux : lacunes ou non-dit ?

2008
  • 5 juin 2008
    Catherine Taine-Cheikh – Le dit de la poésie maure et l’indicible des sentiments

  • 27 mars 2008
    Sandra Bornand – “Quand raconter c’est prendre au piège” : l’implicite dans les narrations de griots généalogistes et historiens zarma du Niger
         Une nuit, alors que j’assistais à un mariage à Niamey, je vis le jeune marié se mettre à trembler à      l’écoute de sa généalogie. On m’expliqua que c’était là un effet naturel du discours. J’ai alors
         voulu comprendre les causes de cette réaction.

    Cet exposé a pour objet l’analyse d’un récit émis lors d’un mariage, où le narrateur – griot généalogiste et historien (jasare) de son état – instaure implicitement un rapport de force avec le destinataire de son discours qui, pourtant, lui est supérieur dans la hiérarchie sociale zarma.
    Pour expliquer comment un « faible » retourne une situation qui lui est a priori défavorable, j’ai cherché à démasquer les pièges qu’il tend aux destinataires, et me suis intéressée à l’implication personnelle, implicite ou explicite, du narrateur dans sa narration.

  • 28 février 2008
    Bertrand Masquelier – Double entendre, structuration dialogique du discours : la parole chantée du calypso (Trinidad)
    Le « calypso » grivois est une chanson qui illustre selon les Trinidadiens le « double entendre » : le récit anodin chanté se double ici d’un sens « érotique ». La poétique du « double entendre » (d’un calypso grivois) repose sur différents procédés : sonores, sémantiques, pragmatiques ou communicationnels ; mais, du point de vue de la réception, entendre et comprendre ces procédés ne pose guère de problèmes du moment où l’on est passé maître dans les manières de parler locales. Que faut-il savoir pour entendre et comprendre les jeux de sens que propose un calypso grivois ? Certainement beaucoup à propos des codes linguistiques locaux (anglais trinidadien standard, créoles anglophones urbains ou ruraux, etc.), plus encore sur l’art du discours indirect qu’illustrent les rhétoriques du quotidien à Trinidad. L’exposé est construit autour de quelques exemples de calypso. Il propose de revisiter au passage quelques idées de Mikhaïl Bakhtine.

  • 24 janvier 2008
    Assia Popova – Quand faire c’est dire, ou fonction énonciative de la performance rituelle
    Présentation de l’extraction ritualisée du fer et de la fabrication des outils métalliques en pays sukuma par les fondeurs-forgerons longo (Tanzanie, Afrique Orientale). La fonte du minerai et la production des outils sont considérées et exécutées par les protagonistes comme une seule activité thaumaturge assimilée à une procréation “magiquement assistée” de la matière vivante du fer ainsi que des pioches métalliques. Seront examinés les gestes symboliques de ce rituel muet.

2007
  • 20 décembre 2007
    Jean-Michel Charpentier – Tabous langagiers dans quelques langues océaniennes

  • 29 novembre 2007
    Evangelia Adamou – Taire le nom d’une langue : l’embarras des locuteurs des langues en voie de disparition en Grèce
    Lorsqu’on se penche sur le discours épilinguistique des locuteurs et sur les noms qu’ils emploient pour désigner « la langue qu’ils parlent », on dégage des dénominations elliptiques, signalant le tabou sur l’existence de ces langues. C’est le cas par exemple du nashta, parler slave du sud et de l’arvanite qu’on n’évoque dans les discours qu’en parlant de « lui » (le parler) : « il ne le (les) connaît pas », en grec dhen ta kseri ou en arvanite nuk e di ; « tu ne le (les) comprends pas ? », en grec ta katalavenis ?
       On peut s’interroger : s’agit-il là d’une intériorisation du silence du discours officiel et de l’idéologie dominante ? Ou bien de plaies non cicatrisées causées par l’interdiction bien réelle d’emploi de ces langues ? Il peut également s’agir d’un positionnement prudent en attendant de voir quelles sont les intentions de l’interlocuteur et le nom qu’il emploiera pour désigner ces langues.

  • 25 octobre 2007
    Vladimir Randa  Termes de substitution pour nommer les animaux chez les Inuit (niveaux de langue profane, chamanique et poétique)
    Chez les Inuit divers procédés sociaux et langagiers régissaient autrefois l’utilisation de la parole dans des contextes rituels qui exigeaient une vigilance particulière : gestation, ménorrhée, fausse couche, accouchement, maladie, mort ; première capture d’un gibier ; initiation chamanique. L’un de ces procédés consistait à utiliser des termes de substitution pour nommer les réalités les plus diverses, notamment les animaux, enjeu majeur pour une société de chasseurs. Ces termes constituent ce qu’on a coutume d’appeler le « lexique chamanique », même si celui-ci n’était en aucun cas réservé aux seuls chamanes. Il s’agit de termes descriptifs véhiculant des valeurs sémantiques pertinentes pour la culture inuit.
       Un mécanisme similaire avec, toutefois, une finalité différente (visée esthétique et émotionnelle), est à l’œuvre dans les créations poétiques (chants personnels).
       Dans la mesure où il est possible d’en juger à travers ses formes non figées, la langue profane utilise les mêmes procédés.
       On constate que des passerelles existent entre ces niveaux de langue : un terme « chamanique » dans un dialecte peut refaire surface comme terme profane dans un autre dialecte. Le même terme peut désigner deux animaux différents selon qu’il est utilisé dans le langage rituel ou dans les chants personnels.
       Se pose également la question de la motivation des dénominations utilisées, en d’autres termes de leur ancrage dans l’expérience naturaliste des locuteurs inuit.

  • 28 juin 2007
    Pierre Diarra & Cécile Leguy  Le proverbe au risque de l’incompréhension
    Le non-dit est, dans certains contextes, institué dans des formules qui permettent aux interlocuteurs de parler tout en restant dans le registre de l’implicite ; c’est le cas en Afrique de l’Ouest, où l’on fait encore aujourd’hui grand usage des proverbes. Partant de nos situations différentes – l’un étant d’origine malienne et l’autre française – et interrogeant cette interculturalité dans une approche pragmatique de la communication, nous chercherons à savoir ce que dit le recours au discours proverbial quand il prend le risque de l’incompréhension.

  • 31 mai 2007
    Françoise Quinsat  Que dit-on (ou ne dit-on pas) du Sarrasin dans la Chanson de Roland ?
    La Chanson de Roland est un fleuron de la littérature épique française médiévale. Elle met en scène des personnages, dont certains sont clairement identifiables et d’autres imaginaires. Elle relate des événements historiques datant de la fin du VIIIe siècle. Le manuscrit, dit d’Oxford, qui en conserve le texte, est daté du XIIe siècle. La langue du texte est considérée par les philologues et les linguistes comme devant remonter à la fin du XIe siècle. Le discours tenu tout au long des quatre mille et un vers qui le composent décrit les représentants du peuple sarrasin comme des ennemis, des païens, des traîtres, des possesseurs de grandes richesses matérielles, des fourbes, des puissants, des mécréants, etc. Comment les propos, à la fois anciens et pérennes, s’inscrivent-ils dans la problématique du dit, du non-dit et de l’implicite ? On exposera la teneur de ce qui est dit en se fondant à la fois sur la forme et la sémantique. Par ailleurs, l’analyse s’appuiera sur des travaux d’anthropologie historique sur les Sarrasins pour dégager l’image de l’Autre et des Musulmans révélée dans les chansons de geste. Le discours sera examiné afin de vérifier une éventuelle cohérence entre le dit et l’implicite ou bien, le cas échéant, un hiatus entre ce dit et ce non-dit.

  • 26 avril 2007
    Nicolas Fasseur  Le dessous des plaques ou les non-dits des plaques commémoratives de la Libération de Paris
    Que se cache-t-il derrière les mots inscrits sur les plaques commémoratives de la Libération de Paris ? Certes, les indications, sur ces plaques, d’un nom et d’une date et surtout d’un “ici est tombé…”, nous parlent d’un événement mortel, mais comment faisons-nous le lien avec celui de la Libération de Paris ? Aussi, derrière ce “mort tombé ici”, il y a bien la vie d’une femme ou d’un homme. Alors, une plaque commémorative est-elle l’ébauche d’une nécrologie ou bien une histoire de vie sous sa forme minimale ? D’autre part, la dénomination de l’ennemi évolue selon la période d’apposition d’une plaque commémorative : du Boche au nazi en passant par l’Allemand. Quelle est cette évolution implicite de la diplomatie française avec l’Allemagne ? Enfin, la situation et l’environnement d’une plaque commémorative nous donnent des informations implicites sur l’événement, alors, comment les interpréter ?

  • 29 mars 2007
    Dominique Sewane  Façon de ne pas nommer chez les Batammariba (Togo, Bénin)
    Les Batammariba du Togo et du Bénin font preuve d’une extrême prudence dans leur manière  d’énoncer leur propre nom, celui de leurs proches ou de leurs défunts. Chaque personne, dès la naissance et tout au long de sa vie, se voit attribuer plusieurs noms. Certains, assimilés à des surnoms ou sobriquets, sont formulés sans hésitation, de même que les “noms d’ordre” : Aîné, Benjamin ; ou les “noms d’adresse” : Père, Mère ; ou encore les “noms de joie”, donnés par un étranger ou un allié de la famille. A l’inverse, le vrai nom ou “nom de souffrance” d’une personne n’est formulé qu’en de rares occasions, car il correspond à son “souffle” ou âme. A sa mort, il sera tenu secret.

  • 22 février 2007
    Evelyne Larguèche (LAS) – La relation d’injure
    Replacer l’injure dans la situation de communication où elle se produit, considérer l’énoncé de l’injure dans son énonciation, situer la position statutaire des actants, représentent les trois principes qui permettent de circonscrire la “relation d’injure” ou le non-dit de ce qui est dit.

  • 25 janvier 2007
    Claire Moyse-Faurie  Politesse et violence verbale en Océanie
    La violence verbale, qu’elle s’exprime directement ou, de façon plus insidieuse, par le non-respect des règles de politesse lors des échanges verbaux, est souvent perçue comme étant plus agressive que la violence physique.
       En Océanie, cette violence verbale prend des formes particulières de par le choix des insultes, des jurons, des menaces, ou par l’utilisation de mots-tabous. Par exemple, en Polynésie, les insultes relèvent surtout de deux champs sémantiques bien précis : celui des odeurs et celui du rang de naissance, alors qu’en Nouvelle-Calédonie les insultes les plus courantes sont celles à caractère sexuel.

2006
  • 21 décembre 2006
    Rachida El Ghannami (université de Montréal) – Les différentes façons du détour de la parole dans la société maghrébine
    L’exposé fait suite à celui présenté le 29 juin 2006, sous le titre «Traduire l’implicite -Tradition arabe marocaine». Il porte sur les différentes façons du détour de la parole dans la société maghrébine. Ont été notamment examinés les exemples reliés à la sexualité et l’amour, à la peur de l’invisible et à la protection à son égard, la magie des mots, la malédiction… Ont été analysés les procédés par lesquels ces détours de la parole prennent forme. L’implicite dans la traduction a été abordé sous ces différentes facettes.

  • 30 novembre 2006
    Fatima Guketlova (université de Kabardino-Balkarie à Nalchik) – Les zoo-métaphores en tcherkesse-kabarde et en russe
    La zoo-métaphore possède des signifiants polysémiques fondés sur des liens métaphoriques. Leur étude permet d’analyser non seulement les problèmes linguistiques des langues comparées (kabarde-tcherkesse, russe, français) mais aussi le contexte culturel lié à ces langues et à leur vision particulière du monde. Nous tenterons de comprendre quel moyen utilise la langue pour transmettre une réalité extralinguistique, et de quelle façon les unités de langues peuvent produire une image cognitive.
       On abordera les questions suivantes :
    – Quel rôle joue la zoo-métaphore dans la langue secrète des chasseurs, dans celle des chevaliers tcherkesses ?
    – Quelles sont les causes du tabou, du non-dit dans le langage des chasseurs tcherkesses ?
    – Les zoo-métaphores sont-elles, de nos jours, utilisées souvent dans la langue quotidienne ?
    – Quel est le potentiel évocateur de la métaphore ?

  • 26 octobre 2006 (exposé et film)
    Ming Anthony (APSONAT, UMR 8575) – L’implicite, l’oubli et la réinterprétation dans les rituels afro-brésiliens
    La vidéo montre une fête de caboclos dans un centre de candomblé de Salvador. Après la manifestation des orixás accompagnée de chants en yoruba, les caboclos viennent, au son de cantiques en portugais, chasser les miasmes à l’aide de bouquets de feuilles sacrées. L’analyse portera sur ce qu’il y a d’implicite dans le déroulement de la cérémonie et dans les chants qui l’accompagnent. Le yoruba n’étant plus parlé au Brésil, les cantiques en cette langue font l’objet de réinterprétations.

  • 29 juin 2006
     Élisabeth Motte-Florac (université de Montpellier) – Pactes avec le diable chez les Purhépecha (Mexique) ; implicites et non-dits
    Chez les Purhépecha (Mexique), les textes de tradition orale qui relatent le passage de la pauvreté à l’opulence, font apparaître trois modes récurrents d’enrichissement immédiat : i) capturer un « être surnaturel » (familiar-japínhwa) ; ii) sceller un pacte avec le diable ; iii) trouver un trésor. C’est à la deuxième partie de ce triptyque que nous nous intéresserons ici pour considérer non-dits et présupposés (le premier mode a été exploré dans une étude précédente sur le passage et l’initiation).
       Dans les histoires de pacte avec le diable, la parole qui lie narrateur et auditeurs, diable et débiteurs, est stratégie ; elle se joue de chacun, l’oriente dans une recréation de la parole interrompue, de la parole suggérée, de la parole absente. À partir de l’une de ces histoires, nous aborderons ces différentes formes de silence, en particulier, dans un premier temps, les présupposés qui fondent les usages culturels et donnent sens au monde, puis, grâce aux divers textes qui font écho à ce récit, les non-dits dont nous considérerons quelques uns des multiples fondements : censure, pertinence, image de soi, interprétation, imagination, intentionnalité, expérience, mise en acte, etc. Le diable, figure historique de l’altérité radicale, nous permettra d’apprécier toute l’ambiguïté de ces occultations ou oublis, de l’essentiel ou de l’accessoire, volontaires ou non, conscients ou inconscients.
     Rachida  El Ghannami (université de Montréal) – Traduire l’implicite – tradition arabe marocaine
    Le corpus étudié est le résultat de textes oraux collectés au Maroc, auprès de femmes âgées. La traduction de ces textes a soulevé les questions suivantes :
       Comment traduire des récits sachant qu’ils correspondent à un univers socioculturel particulier et que les traduire, c’est aussi traduire simultanément une réalité implicite mais présente ? Comment ensuite traduire l’oral ? Autrement dit, comment traduire la parole qui s’élabore, se corrige et se complète au fur et à mesure de son déroulement ? Comment interpréter puis traduire tout ce qui n’a pas été dit mais sous-entendu ou tout simplement ce qui a été dit mais autrement ?
       Puisque le sens naît de l’explicite et de l’implicite, il fallait que ma traduction restitue non seulement ce qui est dit mais aussi ce qui est évoqué et sous-entendu. Il était inconcevable de traduire sans donner un aperçu du contexte socioculturel et sans faire cas des implications qui lui sont  rattachées. Car deux interlocuteurs de même culture qui communiquent, ont toujours un certain nombre d’hypothèses communes sur le monde. Leur savoir mutuel (sur la religion, les faits culturels, les faits sociaux, les systèmes de croyances,…) leur permet de coder comme de décoder un message.
       Une grande partie de mon corpus n’avait de sens qu’en fonction de l’implicite culturel. Une traduction appuyée exclusivement sur le contenu linguistique et sans prise en considération de certains facteurs aurait été incompréhensible et non authentique à l’original. Cependant, même si le passage d’une langue à une autre implique une réinterprétation du texte initial pour aboutir au texte traduit, ce dernier ne peut que redonner incomplètement un « implicite culturel ». Ont été abordés certains procédés pour exprimer cet implicite et  l’étude en cours se poursuivra selon cette orientation.

  • 1er juin 2006
    Vladimir Randa  Dire autrement, langage chamanique inuit, lexique, sémantique, métaphore

  • 4 mai 2006
    Gladys Guarisma  Comment dire autrement ? Les proverbes bafia (Cameroun)
    Le proverbe est un cadre de choix pour l’étude de la communication indirecte, qui permet au locuteur de transmettre un message fort sans trop s’impliquer. Pour cela, les proverbes bafia (Cameroun) utilisent toutes sortes de détours. D’une part, ils peuvent privilégier la forme impersonnelle (“on”) qui désigne tout le monde et personne en particulier et qui permet d’affirmer des évidences en accord avec les conventions sociales. D’autre part, ils peuvent soit attribuer la parole à un tiers qui peut être un personnage particulier ou une entité choisie dans l’environnement naturel propre à la société (fréquemment un animal), soit faire allusion à un trait ou à un comportement saillant de ces individus, ce qui est une façon implicite de s’exprimer. Enfin, une symbolique est mise en œuvre, ce qui implique un processus de décodage du sens pour pouvoir saisir le message du proverbe. A partir d’un schéma commun apparaissent, comme complément au détour, des variations de forme et de sens qui dépendent de la situation dans laquelle ils sont dits.

  • 23 mars 2006
    Ioana Andreesco (INALCO) – Le Jugement dernier : évolution des croyances populaires en Olténie (Roumanie)

  • 23 février 2006
    Ileana Gaïta (MNHN) – La parole ou le silence ? Rencontres avec le surnaturel chez les Roumains du Banat

  • 26 janvier 2006
    Micheline Lebarbier – compte rendu du livre de Claude Olievenstein, « Le Non-dit des émotions »

2005
  • 24 novembre 2005
    Sylvie Mougin (univ. de Reims) – Les chansons traditionnelles à sous-entendu : ne pas dire pour mieux dire et comment le chanter (Vendée)

  • 23 juin 2005
    Assia Popova  Un sacrifice pour conjurer la mort (Bulgarie)

  • 26 mai 2005
    Marijana Petrovic-Rignault  L’implicite lors d’un rituel non respecté : l’exemple d’une “pomana” chez les Roumains de Serbie
    Le travail se base sur un enregistrement de terrain effectué en Serbie orientale à l’occasion d’une pomana (repas donné au bénéfice de l’âme d’un défunt, le jour anniversaire de sa mort). A cette occasion, un grand nombre de rituels et de règles précises doivent être respectés afin d’assurer le bien-être de l’âme du défunt dans l’au-delà. Ce jour-là justement certains rituels ont été omis. L’extrait étudié montre la réaction de deux vieilles dames, garantes de la tradition. Or, il est interdit de critiquer en ce jour particulier, sous peine de faire du tort à la défunte. Comment ces dames arrivent-elles à condamner le déroulement de la pomana, sans pour autant transgresser à leur tour les règles ancestrales ? L’analyse linguistique porte sur les stratégies énonciatives mises en place pour dire, sans le dire.

  • 28 avril 2005
    Ming Anthony (APSONAT, UMR 8575) – L’implicite dans les rituels thérapeutiques afro-brésiliens et projection de film
    Une vidéo tournée à Salvador (Brésil), « Le travail d’un devin afro-brésilien », présente la réalisation d’une série d’offrandes à but thérapeutique. L’analyse des images montre que la composition de l’offrande, la gestuelle qui accompagne sa préparation, le choix du lieu, du jour et de l’heure où elle est déposée, répondent à des règles implicites précises liées au système de croyance afro-brésilien.

  • 24 février 2005
    Assia  Popova   La bru zélée transformée en hirondelle (étude d’un rite d’abstinence verbale, Bulgarie)

  • 3 février  2005
     Véronique de Colombel – compte rendu du livre  de Oswald Ducrot : « Dire et ne pas dire, Principes de sémantique linguistique »
     Micheline Lebarbier– compte rendu du livre de Sophie Caratini : « Les non-dits de l’anthropologie »

2004
  • 16 décembre 2004
     Arlette Roth  Peut-on considérer qu’il y a un système de ‘convenance’  qui régirait la profération d’injures en milieu maghrébin musulman traditionnel ?
     Evelyne Larguèche (LAS), L’injure par et au-delà des mots
    Présentation générale de la recherche et des ouvrages (L’Effet injure, 1983, Paris, PUF. L’injure à fleur de peau, 1993, Paris, L’Harmattan. Injure et sexualité, 1997, Paris, PUF) qui constituent une sorte de théorie de l’effet injure dans laquelle l’injure retrouve sa dimension fondamentalement relationnelle alors que la priorité généralement donnée au lexique (du fait de la séduction et de l’attraction qu’il produit) la fait totalement oublier. Présentation de l’ouvrage collectif : L’injure, la société, l’islam, 2004, REMMM 103-104, qui représente l’ébauche d’une “Anthropologie de l’injure”, dans cette même perspective pragmatique.

  • 25 novembre 2004
    Catherine Taine-Cheikh  L’injure et le non dit dans la société mauritanienne

  • 17 juin 2004
    Discussion de l’article de Micheline Lebarbier « Les dires du conte, L’exemple de quelques contes facétieux roumains », afin de lancer le thème sur le « dit, le non-dit  et l’implicite ».
    L’étude d’un corpus de 97 contes facétieux roumains a permis de mettre en lumière des différences dans le discours que les narrateurs tenaient à l’intérieur d’un même conte (situations complaisamment décrites chez les uns, à peine évoquées chez les autres). Au point que sous le même conte on peut “entendre” une autre histoire, celle du narrateur qui affleure, peut-être à son insu.
       Il est apparu également que certaines situations, l’adultère notamment – féminin qui plus est, était toujours représenté métaphoriquement. Ces variations, détours et “dire-autrement” sont autant de révélateurs de la société, de celui qui conte et de la place qu’il occupe dans le groupe.

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